Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/490

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mais bien conservés et d’une étoffe de prix. Il est rare qu’on les voie autrement qu’en velours ou en soie ; ils portent des vestes de brocart ou brodées. Le quacquero doit être obèse, joufflu, avec de petits yeux ; sa perruque est pourvue de bizarres petites queues ; son chapeau est petit et le plus souvent bordé.

On voit que cette figure se rapproche beaucoup du Buffo caricato de l’opéra-comique, et, comme il représente d’ordinaire un sot, un niais, amoureux et trompé, les quacqueri figurent d’absurdes petits-maîtres. Ils sautillent ça et là, avec une grande légèreté, sur la pointe du pied, et portent de grands anneaux noirs, sans verre, en guise de lorgnon, avec lesquels ils regardent dans toutes les voitures, à toutes les fenêtres. Ils font d’habitude une roide et profonde révérence, et, lorsqu’ils se rencontrent les uns les autres, ils manifestent leur joie en sautant plusieurs fois droit en l’air à pieds joints, et poussent un cri perçant, inarticulé, qui sonne à peu près comme brrr.

On voit bientôt que, dans une rue étroite, avec tant de masques qui se ressemblent (quelques centaines de polichinelles et près de cent quacqueri ne cessent pas de courir en tout sens dans le Corso), un bien petit nombre peuvent avoir le projet de faire sensation et d’être remarqués. Aussi ces masques doiventils se hâter de paraître dans le Corso. En sortant de chez soi, chacun se propose plutôt de se divertir, de donner l’essor à sa folie et de mettre à profit, le mieux possible, la liberté de ces jours. Ce sont surtout les jeunes filles et les femmes qui cherchent et savent trouver dans ce temps le plaisir à leur manière. Toute leur affaire est de sortir de chez elles sous un déguisement quelconque, et, comme bien peu sont en position d’y consacrer beaucoup d’argent, elles sont assez ingénieuses à trouver de mille manières le moyen de se déguiser plus que de se parer.

Les costumes de mendiants et de mendiantes sont très-faciles à composer. On demande surtout de beaux cheveux, un masque tout blanc, un petit pot de terre suspendu à un ruban de couleur, un bâton et le chapeau à la main. Ils passent avec une humble contenance sous les fenêtres et devant chaque promeneur, et reçoivent pour aumônes des bonbons, des noix ou toute autre bagatelle.