Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/493

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remonte par l’autre côté. Les piétons sont enfermés dans un espace de huit pieds de large tout au plus entre les deux files. Chacun se fraye un passage comme il peut, et, de toutes les fenêtres et de tous les balcons, une foule pressée regarde la presse.

Dans les premiers jours on ne voit guère que les équipages ordinaires, car chacun réserve pour les jours suivants ce qu’il veut produire d’élégant et de magniflque. Vers la fin du carnaval, paraissent en plus grand nombre les voitures découvertes, quelques-unes à six places. Deux dames sont assises en vis-àvis sur des sièges élevés, de sorte qu’on peut les voir tout entières. Quatre hommes occupent les coins. Cochers et laquais sont masqués, les chevaux sont parés de gaze et de fleurs. Souvent un beau caniche blanc, orné de rubans rosés, est assis entre les pieds du cocher ; les harnais sont munis de sonnettes retentissantes, et cet attirail fixe quelques moments l’attention du public.

On peut juger que les belles femmes se risquent seules à trôner ainsi devant tout le peuple, et qu’il n’y a que la plus belle qui se laisse voir sans masque. Mais aussi, à l’approche de l’équipage, qui d’ordinaire doit aller assez lentement, tous les yeux sont fixés sur elle, et elle a la joie d’entendre de divers côtés ces mots flatteurs. : 0 quanto è bella !

Autrefois ces voitures de parade étaient, dit-on, beaucoup plus nombreuses et plus riches, plus intéressantes aussi par les représentations mythologiques et allégoriques : mais, de nos jours, par quelque motif que ce soit, les grands, perdus dans l’ensemble, veulent goûter le plaisir qu’ils trouvent à ces réjouissances, plutôt que se distinguer des autres.

Plus le carnaval avance, plus les équipages offrent un joyeux aspect.

Les personnes sérieuses, qui se montrent sans déguisement dans leurs voitures, permettent elles-mêmes à leurs cochers et à leurs laquais de se déguiser. Les cochers choisissent d’ordinaire les habits de femme, et, dans les derniers jours, il semble que tous les chevaux soient conduits par des femmes. Les gens sont souvent vêtus décemment et même avec grâce. En revanche, un vilain drôle, à large carrure, en grande toilette à la nouvelle mode, avec une haute frisure et des plumes, est