Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/497

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Personne n’est à l’abri d’une attaque ; chacun se trouve dans l’état de défense : de là naissent, par malice ou par nécessité, tantôt ici, tantôt là, un duel, une escarmouche ou une bataille. Piétons, cochers, spectateurs aux fenêtres, sur les échafaudages ou les sièges, s’attaquent et se défendent à l’envi les uns les autres.

Les dames ont de petites corbeilles dorées et argentées pleines de ces munitions, et les cavaliers doivent défendre leurs belles vaillamment. Les personnes en voiture attendent l’attaque les glaces baissées. On joue avec ses amis, et l’on se défend opiniâtrement contre les inconnus.

Mais ce combat n’est nulle part plus sérieux et plus général que dans le voisinage du palais Ruspoli. Tous les masques qui s’y sont placés sont pourvus de petites corbeilles, de sachets, de mouchoirs noués. Ils attaquent plus souvent qu’ils ne sont attaqués ; aucune voiture ne passe impunément et sans être du moins en butte aux provocations de quelques masques. Nul piéton n’est à l’abri de leurs attaques ; et surtout, si un abbé en habit noir vient à paraître, on l’assaille de toutes parts, et, comme le gypse et la craie blanchissent la place où ils touchent, l’abbé se voit bientôt tout moucheté de blanc et de gris. Mais souvent l’affaire devient sérieuse et générale, et l’on voit avec étonnement comme la jalousie et la haine personnelle se donnent libre carrière.

Une figure masquée s’approche furtivement et jelte si rudement une poignée de confetti à une des premières beautés que son masque retentit et que ses belles épaules sont blessées. Ses chevaliers de part et d’autre sont violemment irrités ; ils puisent dans leurs sacs et leurs corbeilles et font pleuvoir sur l’assaillant une, grêle de projectiles ; mais il est trop bien déguisé, trop fortement cuirassé, pour senlir leurs assauts répétés. Plus il est garanti, plus il continue violemment son attaque ; les défenseurs couvrent la dame de leurs tabarri, et comme, dans la chaleur du combat, l’assaillant touche aussi les voisins, que d’ailleurs sa grossièreté et sa violence choquent tout le monde, les alentours prennent part au combat, n’épargnent pas les boulettes de plâtre, et tiennent le plus souvent en réserve pour ces occasions des munitions un peu plus grosses, à