Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/514

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plus habile, mais c’est à Rome que j’entends, avec tous les secours et les divers conseils des experts. J’ai un pied de squelette, une belle anatomie moulée sur nature, une demi-douzaine des plus beaux pieds antiques, quelques mauvais, ceux-là pour l’imitation, ceux-ci comme exemples à fuir, et je puis aussi consulter la nature : dans chaque villa où je me rends, je trouve l’occasion de voir ces organes ; les tableaux me montrent ce que les peintres ont conçu et exécuté. Trois ou quatre artistes viennent journellement chez moi, et je profite de leurs observations et de leurs conseils, mais ceux de Henri Meyer me sont plus utiles que les autres. Avec un vent pareil et sur un pareil élément, un vaisseau qui ne bougerait pas de la place devrait être sans voiles ou son pilote insensé. Après m’être formé sur l’art des vues générales, il était bien nécessaire que je portasse mon attention et mes études sur chaque partie. 11 est agréable d’avancer même dans une carrière infinie.

Je continue à me promener de tous côtés et à voir les choses que j’avais négligées. C’est ainsi, par exemple, que j’ai visité " hier pour la première fois la villa de Raphaël, dans laquelle, auprès de sa bien-aimée, il préférait à l’art, à la gloire, la jouissance de la vie. C’est un monument sacré. Le prince Doria l’a acheté, et parait vouloir le traiter comme il le mérite. Raphaël a reproduit vingt-huit fois sur les murs le portrait de sa maîtresse, en toutes sortes de vêtements et de costumes ; on en trouve la ressemblance même dans les femmes de ses tableaux historiques. La situation de la maison est très-belle. Mais c’est un sujet sur lequel il est plus agréable de causer que d’écrire. Il faut remarquer tous les détails. De là je me suis rendu à la villa Albani, et j’en ai fait une revue générale. C’était une journée magnifique.

Cette nuit, il a beaucoup plu : maintenant le soleil recommence à briller, et, devant ma fenêtre, c’est un vrai paradis. L’amandier est tout vert ; déjà les pêchers commencent à défleurir et les fleurs du citronnier s’épanouissent au sommet de l’arbre.

Mon départ d’ici afflige profondément trois personnes. Elles ne retrouveront jamais ce qu’elles ont eu en moi ; je les quitte avec douleur. C’est à Rome que, pour la première fois, je me