Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/62

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qui se bâtissent auprès d’un poêle une cabane avec des chaises, des tables et des tapis, et, sous cet abri, se persuadent qu’il pleut et qu’il neige dehors, pour exciter par ces imaginations dans leurs petites âmes un délicieux frissonnement. Telles sont nos dispositions durant cette nuit d’automne, dans un pays étranger, inconnu. Nous savons par la carte que nous nous trouvons au sommet d’un angle, d’où la plus petite partie du Valais s’avance à peu près du sud au nord, en suivant le cours du Rhône, jusqu’au lac de Genève, tandis que l’autre partie, la plus longue, s’étend de l’ouest à l’est, en remontant le Rhône jusqu’à son origine dans la montagne de la Furca. Parcourir le Valais nous offre une agréable perspective ; la question de savoir comment nous en sortirons par le haut nous cause seule quelque souci. D’abord il est résolu que nous irons demain, pour voir le Bas-Valais, jusqu’à Saint-Maurice, où nous trouverons notre ami, qui est arrivé par le pays de Vaud avec nos montures. Nous pensons être de retour ici demain soir, et après-demain nous remonterons la vallée. Si nous pouvons suivre les avis de M. de Saussure, nous ferons à pied le chemin jusqu’à la Furca ; ensuite nous reviendrons à Brieg, et nous franchirons le Simplon, où se trouve en toute saison un bon passage pour se rendre à Domo d’Ossola, au lac Majeur, puis à Beliinzone, et de là monter le Saint-Gothard. Le chemin doit être bon et parfaitement praticable pour les chevaux. Ce qui nous plairait le mieux serait de gagner, le Saint-Gothard par la Furca, afin d’abréger, et parce que ce détour par les provinces italiennes n’était pas d’abord dans notre plan ; mais que faire de nos chevaux, qui ne peuvent gravir la Furca, où le chemin est peut-être déjà fermé par les neiges aux piétons euxmêmes ? Là-dessus nous sommes parfaitement tranquilles, et, comme jusqu’ici, nous espérons prendre de moments en moments conseil des circonstances. Nous remarquons dans cette auberge une servante, qui, avec une grande stupidité, a toutes les manières d’une sentimentale demoiselle allemande ? Ce furent de gros rires lorsqu’elle nous vit, sur le conseil de notre guide, baigner dans du vin rouge mêlé de son nos pieds fatigués, et que nous les fîmes essuyer par cette agréable personne.