Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/97

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idée de chaque pays, en m’informant du cours des plus petits ruisseaux, et de la région fluviale à laquelle ils appartiennent. La pensée saisit alors, même dans les pays qu’on ne peut embrasser du regard, l’enchaînement des montagnes et des vallées. Avant Tirschenreuth commence l’excellente chaussée de sable granitique. On ne peut en imaginer de meilleure. Comme le granit pulvérisé se compose de silex et d’argile, cela forme à la fois une base solide et un excellent ciment, pour rendre la route aussi unie qu’une aire à battre le blé. L’aspect de la vallée qu’elle traverse est triste à proportion : c’est une plaine, aussi composée da sable granitique, marécageuse, qui donne à la belle route un nouveau prix. D’ailleurs la pente du terrain fait qu’on avance avec une incroyable rapidité, qui contraste avec la marche de limace des postes de Bohème. Le lendemain, à dix heures, j’étais à Ratisbonne, et j’avais donc fait vingt-quatre milles et demi en trente-neuf heures : au point du jour, je me trouvais entre Schwandorf et Regenstauf, et je vis des campagnes mieux cultivées. Le sol n’était plus un détritus de montagnes, mais un terrain d’alluvion et mélangé. Dans les temps primitifs, le flux et le reflux avaient agi de la vallée du Danube, en remontant le cours du Regen, dans toutes ces vallées, qui maintenant y versent leurs eaux : ainsi se sont formés ces polders naturels, base actuelle de l’agriculture. Cette observation s’applique au voisinage de toutes les rivières, grandes et petites, et, avec cette indication, l’observateur peut se faire promptement une idée de chaque terrain propre à la culture.

La situation de Ratisbonne est fort belle. La contrée appelait une ville. Le clergé ne s’est pas non plus oublié. Toutes les terres des environs lui appartiennent. Dans la ville même, les églises et les cloîtres se touchent. Le Danube me rappelle le vieux Mein. À Francfort, le pont et la rivière offrent un plus bel aspect ; mais Stadt-am-Hof, situé vis-à-vis de Ratisbonne, présente un charmant coup d’œil. Je me suis rendu sur-le-champ au collége des jésuites, où les écoliers donnaient la représentation dramatique d’usage chaque année. J’ai vu la fin de l’opéra et le commencement de la tragédie. Ils ne s’en sont pas mal tirés pour une troupe d’amateurs débutants. Les cos-