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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/114

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jugez-vous pas qu’il serait temps d’obéir ? Les accusations et les mauvais bruits se multiplient de tous côtés. Je vous le conseille, venez à la cour avec moi : tarder plus longtemps est inutile. On a fait au roi plaintes sur plaintes. Vous êtes cité aujourd’hui pour la troisième fois. Si vous ne comparaissez pas, on vous condamne. Alors le roi amènera ses vassaux pour vous bloquer, pour vous assiéger dans ce château de Maupertuis ; et vous périrez corps et biens, avec votre femme et vos enfants. Vous n’échapperez pas au roi : le mieux est donc de me suivre à la cour. Vous ne manquerez pas de manœuvres habiles ; vous en avez de toutes prêtes, et vous saurez échapper. Car vous avez eu souvent avec la justice des affaires bien plus grandes que celle-ci, et vous en êtes toujours sorti heureusement, comme vos adversaires à leur confusion. » Grimbert ayant cessé" de parler, Reineke lui répondit : « Mon oncle, vous me conseillez sagement de me présenter devant la cour pour défendre ma cause moi-même. J’espère que le roi me fera grâce. Il sait combien je lui rends de service», mais il sait aussi combien, pour cette raison, je suis haï des autres. Sans moi, la cour ne peut subsister. Et, je le sais d’avance, quand je- serais dix fois plus coupable, aussitôt que je me montrerai à sa vue et que je lui parlerai, il sentira sa colère vaincue. Sans doute beaucoup de gens accompagnent le roi et siègent dans son conseil, cependant les choses ne vont jamais à son gré ; ils ne trouvent, tous ensemble, aucune ressource, aucune idée. Chaque fois que la cour est convoquée, où que je sois, on remet la décision à mon jugement. Et, si le roi et les seigneurs se rassemblent, pour imaginer un sage expédient dans des affaires épineuses, il faut que Reineke le trouve. Beaucoup de gens m’en veulent du mal. Je dois les craindre : car ils ont juré ma mort, et les plus méchants sont justement réunis à la cour. C’est ce qui m’inquiète. Ils sont plus de dix et puissants : comment puis-je résister seul à tant de monde ? C’est pourquoi j’ai toujours temporisé. Cependant je trouve plus à propos de me rendre avec vous à la cour pour défendre ma cause. Cela me fera plus d’honneur que de précipiter, par mes lenteurs, ma femme et mes enfants dans la détresse et le danger. Nous serions tous perdus : le roi est trop puissant pour