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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/141

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mieux qu’ils pourraient. Il se disposait donc à partir promptcmeut. Il se sentait coupable et il avait lieu de craindre. « Reineke, dit le roi, vous êtes bien pressé ! Pourquoi cela ?

— Qui fait une bonne entreprise ne doit jamais tarder, répliqua Reineke. Je vous demande congé ; l’heure est venue, monseigneur, laissez-moi partir.

— Je vous donne congé, » dit le roi ; puis il ordonna à tous les seigneurs de la cour de cheminer quelque peu avec le faux pèlerin et de l’accompagner. Cependant Brun et Ysengrin étaient tous deux prisonniers, dans l’affliction et les douleurs.

Reineke avait donc regagné toute la faveur du roi, et il s’éloignait de la cour avec de grands honneurs. Il semblait partir avec le sac et le bourdon pour le Saint-Sépulcre, quoiqu’il n’y eût pas plus affaire qu’un bouleau dans Aix-la-Chapelle. Il avait dans l’esprit des projets tout différents. 11 avait eu l’adresse de façonner pour son roi barbe de lin et nez de cire ; tous ses accusateurs durent l’accompagner à son départ et l’escorter avec honneur. Mais il ne pouvait renoncer à la ruse et il dit encore, au moment de partir :

• Prenez garde, monseigneur, que les deux traîtres ne vous échappent, et tenez-les bien enchaînés en prison. S’ils étaient libres, ils ne renonceraient pas à leur criminelle entreprise. Votre vie est menacée, sire, veuillez y songer. »

II se mit donc en chemin, avec un maintien tranquille et dévot, avec un air candide, comme s’il n’avait fait autre chose de sa vie. Puis le roi revint à son palais, et tous les animaux le suivirent. Selon ses ordres, ils avaient d’abord accompagné Reineke à quelque distance, et le fripon avait témoigné tant d’angoisse et de tristesse, qu’il avait excité la compassion de main tes^ bonnes gens. Lampe, le lièvre, était surtout fort affligé. "

« II faut, cher Lampe, dit le fripon…. Et faut-il nous séparer ?… Ah ! s’il vous plaisait aujourd’hui, et à Bellin, le bélier, de cheminer encore avec moi ! Votre société me ferait le plus grand bien. Vous êtes une agréable compagnie et d’honnêtes gens. Chacun ne dit que du bien de vous : cela me ferait hon,neur. Vous êtes ecclésiastiques et de sainte conduite ; vous vivez justement comme j’ai vécu étant ermite ; les plantes suffisent à votre nourriture ; vous apaisez votre faim avec des feuilles et de