Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/323

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bruyère ?… mon amant ? mon frère ?… Parlez, ô mes amis ! Ils ne répondent pas. Que mon âme est angoissée !… Ah ! ils sont morts ! Leurs glaives sont teints de sang ! O mon frère, mon frère, pourquoi as-tu frappé de mort mon Salgar ? O mon Salgar, pourquoi as-tu frappé de mort mon frère ? Vous m’étiez tous les deux si chers ! Oh ! tu étais beau entre mille sur la colline. Il était terrible dans le combat. Répondez-moi ! Entendez ma voix, mes bien-aimés ! Mais, hélas ! ils sont muets, muets pour toujours ; leur sein est froid comme la terre.

« Oh ! des rochers sauvages, du sommet de la montagne orageuse, parlez, esprits des morts, parlez, je ne frémirai pas…. Où êtes-vous allés chercher le repos ? Dans quelle caverne des montagnes vous trouverai-je ?… Je n’entends pas une faible voix dans le souffle du vent, pas une réponse, qui vole avec l’orage de la colline.

« Je demeure dans ma détresse, j’attends le matin dans les larmes. Creusez la tombe, amis des morts, mais ne la fermez pas avant que je vienne. Mes jours s’évanouissent comme un songe. Comment pourrai-je leur survivre ? Je veux habiter avec mes amis vers le torrent de la roche bruyante…. Lorsqu’il fera nuit sur les monts, et que l’orage passera sur la bruyère, mon ombre s’arrêtera dans l’orage et pleurera la mort de mes amis. Le chasseur m’entendra de sa feuillée ; il craindra, il aimera ma voix ; car ma voix sera douce pour pleurer mes amis : ils m’étaient tous les deux si chers ! »

« C’est ainsi que tu chantais, ô Minona, fille de Thorman, aux joues de roses. Nos pleurs coulèrent pour Colma, et notre âme fut saisie de tristesse.

« Ullin parut avec sa harpe et accompagna le chant d’Alpin…. La voix d’Alpin était douce, l’âme de Ryno était un rayon de feu. Mais déjà ils reposaient dans l’étroite maison, et leur voix ne s’entendait plus dans Selma. Un jour Ullin revenait de la chasse, avant que les héros fussent tombés : il entendit leurs chants rivaux sur la colline. Leur voix était douce, mais triste : ils pleuraient le trépas de Morar, le premier des héros. Son urne était comme l’âme de Fingal ; son glaive, comme le glaive d’Oscar…. Mais il tomba, et son père gémit, et les yeux de sa sœur se remplirent de larmes ; ils se remplirent de larmes, les yeux