Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/79

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à grands pas ; mais elle détourna vivement les yeux, pour observer la marche de Phébus, qui descendait de l’Olympe vers la terre fleurie, et traversa la mer, en évitant toutes les îles, pour gagner promptement la vallée de Thymbré, où il avait un temple auguste et sévère, que les peuples de Troie entouraient en foule, tandis que subsistait encore la paix, durant laquelle chacun désire les fêtes. Mais alors il était vide, sans fêtes et sans jeux. Cypris, la déesse habile et sage, observait Phébus, et méditait de se présenter à lui, car elle roule divers projets dans son cœur. Cependant l’austère Pallas dit à Junon :

« Déesse, ne sois pas irritée contre moi : je vais descendre et marcher aux côtés de celui que la destinée atteindra bientôt. Une si belle vie ne mérite pas de finir dans le découragement. Je te l’avoue volontiers : parmi tous les héros des âges passés, comme du temps présent, Achille me fut toujours cher. Je me serais même livrée à son amour et à ses embrassements, si les travaux de Cypris pouvaient convenir à la vierge née du cerveau de Jupiter : mais, tout comme il entourait son ami d’une vive tendresse, je le chéris lui-même ; et, comme il pleure Patrocle, lorsqu’il succombera, moi, déesse, je pleurerai ce mortel. Ah ! faut-il que cette belle figure soit si promptement enlevée à la terre, qui se complaît partout dans ce qui est vulgaire ! Faut-il que ce beau corps, ce magnifique édifice de vie, soit livré à la flamme dévorante et réduit en poussière ! que le noble adolescent ne puisse devenir un homme ! Un prince est si nécessaire au monde ! Que la jeune fureur, le désir sauvage de la destruction, se change enfin en intelligence puissante, créatrice, qui détermine la règle selon laquelle les peuples devront se conduire ! L’homme accompli ne ressemble plus à Mars l’impétueux, qui ne se plait que dans les combats homicides ; non, il ressemble à Jupiter lui-même, duquel découle la prospérité. Il ne renverse plus les villes, il les bâtit ; il conduit sur le rivage lointain la population surabondante ; les côtes et les syrtes foisonnent de peuples nouveaux, qui cherchent avidement l’espace et la nourriture. Mais lui, il se bâtit son tombeau. Je ne puis, je ne dois pas ramener mon favori de la porte de Pluton, dont il s’approche, dont il cherche déjà l’entrée pour suivre son ami, et dont l’ouverture, si près qu’elle soit