Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/102

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rues de la ville, aux bruyantes acclamations de la foule. On leur jetait des rubans, des bouquets, des mouchoirs de soie, et l’on se pressait pour contempler leurs traits. Chacun semblait être heureux de les regarder et d’en obtenir un coup d’œil.

«  Quel acteur, quel écrivain, quel homme enfin ne serait au comble de ses vœux, si, par une noble parole ou par une bonne action, il produisait une impression aussi générale ? Quelle délicieuse jouissance n’éprouverait-on pas, si l’on pouvait répandre aussi rapidement, par une commotion électrique, des sentiments honnêtes, nobles, dignes de l’humanité ; si l’on pouvait exciter parmi la foule un enthousiasme pareil à celui que ces gens ont provoqué par leur adresse corporelle ; si l’on pouvait inspirer à la multitude la sympathie pour tout ce qui est de l’homme ; si l’on pouvait, par la représentation du bonheur et du malheur, de la sagesse et de la folie, de la sottise même et de l’absurdité, enflammer, ébranler les cœurs, imprimer aux âmes engourdies une émotion libre, vive et pure ! »

Ainsi parla notre ami, et, comme Laërtes et Philine ne semblaient pas disposés à poursuivre de pareils discours, il s’entretint tout seul de ces méditations favorites, en se promenant, jusqu’à une heure avancée de la nuit, autour de la ville, et en poursuivant de nouveau, avec toute la vivacité et toute la liberté d’une imagination vagabonde, son ancien vœu de rendre le bon, le beau et le grand accessibles aux sens par le moyen du théâtre.

Chapitre V

Le lendemain, quand les saltimbanques furent partis avec grand fracas, Mignon se retrouva soudain ; elle entra, comme Wilhelm et Laërtes faisaient des armes dans la salle.