Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/122

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sur le canapé, dans des attitudes qui n’étaient pas d’une décence irréprochable, Philine, chez qui l’effet de la boisson était le moins visible, poussait avec malice les autres à faire tapage. Mme Mélina déclamait quelques poésies sublimes, et son mari, dont l’ivresse n’était pas fort aimable, se mit à clabauder sur ce punch mal préparé, assurant qu’il saurait, lui, ordonner une fête tout autrement ; et, comme il devenait toujours plus grossier et plus bruyant, Laërtes, qui l’avait invité à se taire, lui jeta, sans plus de réflexion, les débris du bol à la tête, ce qui n’augmenta pas peu le vacarme.

Cependant la garde était accourue, et demandait qu’on ouvrît la porte. Wilhelm, très-échauffé par la lecture, quoiqu’il eût bu modérément, eut assez de peine à l’apaiser, avec le secours de l’hôte, en distribuant de l’argent et de bonnes paroles, et à ramener chez eux les membres de la société en fâcheux état. À son retour, vaincu par le sommeil et fort mécontent, il se jeta tout habillé sur son lit, et rien ne se peut comparer à la sensation désagréable qu’il éprouva le lendemain, lorsqu’il ouvrit les yeux, et qu’il jeta un triste regard sur les ravages de la veille, sur le désordre et les fâcheux effets qu’avait produits un poëme plein de génie, de chaleur et de nobles sentiments.

Chapitre XI

Après un moment de réflexion, il fit appeler l’aubergiste, et lui dit de mettre sur son compte la dépense et le dégât. Il apprit en même temps une fâcheuse nouvelle : Laërtes, en revenant à la ville, avait tellement fatigué son cheval, que, vraisemblablement, l’animal en était fourbu, et que le maréchal avait peu d’espoir de le guérir.

Un salut, que Philine lui adressa de sa fenêtre, lui rendit sa