Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/157

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un officier, quoiqu’il ne portât pas l’uniforme, s’entretint particulièrement avec notre ami. On le remarquait parmi tous les autres. Ses grands yeux bleus brillaient sous un front élevé ; ses cheveux blonds tombaient négligemment ; avec une taille moyenne, il paraissait plein de vigueur, d’énergie et de résolution ; ses questions étaient vives, et il semblait avoir des lumières sur tout ce qu’il demandait.

Wilhelm s’informa de lui auprès du baron, qui ne sut pas lui en dire beaucoup de bien. Il avait le titre de major ; il était proprement le favori du prince ; il était chargé de ses affaires les plus secrètes ; on le regardait comme son bras droit ; on avait même lieu de croire qu’il était son fils naturel. Il avait suivi les ambassades en France, en Angleterre, en Italie, et partout on l’avait fort distingué, ce qui le rendait présomptueux. Il s’imaginait connaître à fond la littérature allemande, et se permettait contre elle mille vaines railleries. Pour lui, baron, il évitait avec cet homme toute conversation, et Wilhelm ferait bien aussi de s’en tenir éloigné, car il finissait par donner à chacun son paquet. On l’appelait Jarno, mais on ne savait trop que penser de ce nom.

Wilhelm ne trouva rien à répondre, car il se sentait une certaine inclination pour l’étranger, bien qu’il eût quelque chose de froid et de repoussant.

La troupe fut distribuée dans le château, et Mélina lui prescrivit très-sévèrement d’observer désormais une conduite régulière ; les femmes devaient loger à part, et chacun s’occuper uniquement de ses rôles et de son travail. Il afficha sur toutes les portes des règlements composés de nombreux articles. Il y spécifiait les amendes à payer, que tout délinquant devait verser dans une boite commune.

Ces règlements furent peu respectés. Les jeunes officiers entraient et sortaient ; ils folâtraient, sans trop de délicatesse, avec les actrices, se moquaient des acteurs, et firent tomber toute la petite ordonnance de police, avant qu’elle eût pu prendre racine. On se pourchassait dans les chambres, on se déguisait, on se cachait. Mélina, qui voulut d’abord montrer quelque sévérité, fut poussé à bout par mille espiègleries, et, le comte l’ayant fait appeler bientôt après, pour examiner la place où