Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/175

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seulement à se sauver lui-même, mais sur le bord opposé, il doit faire un long et pénible détour pour arriver à son but.

Wilhelm commençait à soupçonner que le monde allait autrement qu’il ne se l’était imaginé. Il voyait de près la vie des grands, pleine d’importantes et sérieuses affaires, et il s’étonnait de la tournure aisée qu’ils savaient lui donner. Une armée en marche, un vaillant prince à sa tête, tant de guerriers sous ses ordres, tant d’adorateurs qui se pressaient à sa suite, élevaient l’imagination de notre ami. C’est dans ces dispositions qu’il reçut les livres promis, et bientôt, comme on peut s’y attendre, le flot de ce grand génie s’empara de lui, et l’emporta dans une mer immense, où il ne tarda pas à se perdre et à s’oublier.

Chapitre IX

Les rapports du baron avec les comédiens avaient éprouvé des phases diverses depuis leur séjour au château. Au commencement, les choses se passèrent à leur satisfaction mutuelle ; le baron, dont les pièces n’avaient encore paru que sur un théâtre de société, les voyant, pour la première fois de sa vie, dans les mains de véritables comédiens, et sur le point d’être convenablement représentées, était de la meilleure humeur du monde ; il se montrait libéral, et, lorsqu’un marchand de nouveautés venait à paraître, ce qui arrivait assez souvent, il achetait de petits cadeaux pour les actrices ; il savait aussi faire servir d’extra aux acteurs mainte bouteille de champagne. De leur côté, ils se donnaient mille peines pour ses ouvrages, et Wilhelm n’épargna aucun soin pour bien graver dans sa mémoire les magnifiques discours du héros admirable dont le rôle lui était tombé en partage.

Cependant il était