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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/261

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DE WILHELM MEISTER. 257

COEfHK.–A~X.D’AFt’N. 17

et en avait sucé, avec le lait, toute la pratique. Comme petit enfant, encore sans langage, il avait ému les spectateurs par sa seule présence, car les auteurs connaissaient déjà ces moyens innocents et naturels ; et ses premiers PÈRE’ MÈRE ! lui valurent, dans quelques pièces aimées du public, les plus grands succès, avant qu’il sût ce que c’était qu’applaudissements. Plus d’une fois il descendit tout tremblant, en Amour, dans la machine à voler, il sortit de l’œufen Arlequin, et il joua bientôt les plus jolis tours, comme petit ramoneur.

Mais, hélas ! il payait bien cher pendant le jour les applaudissements qu’il obtenait dans ces brillantes soirées. Son père, estimant que les coups pouvaient seuls éveiller et soutenir l’attention des entants, le fouettait à intervalles réglés, chaque fois qu’il devait étudier un nouveau rôle ; non que l’enfant fût maladroit, mais afin qu’il montrât son adresse d’une manière plus certaine et plus soutenue. C’est ainsi qu’autrefois, quand on plantait une borne, on donnait aux enfants qui se trouvaient là de vigoureux soufflets, si bien que les plus vieilles gens se souviennent encore parfaitement de la place.

Il grandit, et son esprit fit paraître des facultés, son corps, des aptitudes extraordinaires ; ajoutez une grande souplesse, soit dans sa manière de concevoir, soit dans l’action et le geste. Son talent d’imitation passait toute croyance. Jeune enfant, il imitait déjà les grandes personnes, si bien que l’on croyait les voir, quoiqu’elles n’eussent aucun rapport avec lui ni entre elles, pour la taille, l’âge et les manières. D’ailleurs il ne manquait pas du talent de se produire, et, aussitôt qu’il eut, dans une certaine mesure, conscience de ses forces, il trouva tout naturel de fuir son père, qui, voyant grandir l’intelligence de son fils et croître ses talents, jugeait nécessaire de les seconder encore par un traitement rigoureux.

Qu’il se sentit heureux, le malin garçon, dans le vaste monde, où ses espiègleries lui assuraient partout un favorable accueil ! Sa bonne étoile le conduisit d’abord, à l’époque du carnaval, dans un couvent, où il arriva comme un ange secourable, parce que la mort venait d’enlever le révérend père qu’on avait chargé de conduire les processions et de divertir les fidèles par de pieuses mascarades. Serlo se chargea en outre de jouer dans