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DE WH.HELM MEISTER. 321

GOETHE.–AKN.b’APPR. 21

A cote de 1 agréable jardin, que la pleine lune, à son lever, éclairait magnifiquement, il contemplait les tristes ruines, d’où s’élevait encore quelque fumée ; l’air était doux et la nuit admirablement belle. A la sortie du théâtre, Philine l’avait légèrement pressé du coude, et lui avait chuchoté quelques mots, qu’il n’avait pas compris. II étaittroublé et mécontent, et ne savait ce qu’il devait attendre ou faire. Philine l’avait évité pendant quelques jours, et c’était la première fois qu’elle lui redonnait un signe d’intelligence. Hélas ! elle était brûlée maintenant, la porte qu’il ne devait pas fermer, et les pantoufles s’étaient envolées en fumée. Comment la belle viendrait dans le jardin, si tel était son projet, il ne le savait point ; il ne désirait pas la voir, et pourtant il se serait bien volontiers expliqué avec elle.

Mais ce qui lui pesait bien plus sur le cœur, c’était le sort du joueur de harpe, car on ne l’avait pas revu. Wilhelm craignait qu’en déblayant la place, on ne le trouvât mort sous les décombres. Il avait caché à tout le monde les soupçons qu’il avait, que le vieillard ne fût l’auteur de l’incendie car c’était lui qu’il avait vu descendre le premier du grenier déjà plein de flammes et de fumée, et son désespoir, dans la galerie voûtée, semblait être la suite d’un si malheureux événement. Cependant les recherches que la police avait faites sur-le-champ avaient rendu très -vrai semblable l’idée que ce n’était pas dans la maison qu’ils habitaient, mais dans la troisième plus loin, que l’incendie avait éclaté, et s’était aussitôt répandu sous les toitures. Wilhelm rêvait à ces choses, assis sous un berceau, lorsqu’il entenditquelqu’un se glisser dans une allée voisine. A de tristes accents, qui se firent entendre dans l’instant même, il reconnut le joueur de harpe. Le chant, qu’il put très-bien saisir, exprimait la consolation d’un malheureux, qui se sent tout près de la folie. ÏI est a regretter que Wilhelm n’en ait retenu que la dernière strophe

« Je me glisserai de porte en porte je me présenterai, silencieux et modeste ; une main pieuse me donnera la nourriture, et je passerai plus loin. Chacun se trouvera heureux, quand il me verra paraître ; une larme tombera de ses yeux, et je ne saurai pas pourquoi il pleure. »