Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/340

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

336 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

1 Il

Ils la trouvèrent en effet plus mal qu’ils ne l’avaient supposé. Elle avait une sorte de fièvre intermittente, qu’il était d’autant plus difficile de guérir, que la malade, avec sa fougue naturelle, en prolongeait et redoublait à dessein les accès. L’étranger ne fut pas présenté comme docteur, et se conduisit avec beaucoup de ménagements et de pr udence. On parla de la santé et de l’état moral d’Aurélie, et le nouvel ami rapporta divers cas de personnes qui, atteintes d’une indisposition pareille, étaient néanmoins parvenues à un âge avancé ; cependant rien n’était plus fâcheux, en pareil cas, que de renouveler a dessein les impressions violentes. Surtout il ne cacha point qu’il avait trouvé très-heureuses les personnes qui, dans un état maladif, dont elles ne pouvaient se relever tout à fait, avaient été conduites aux sentiments d’une véritable piété. Il dit ces choses avec beaucoup de réserve, et par manière de récit, et promit de procurer à ses nouveaux amis la lecture, trfs-intéressante, d’un manuscrit, qu’il avait reçu des mains d’une excellente amie, qui avait quitté ce monde.

Ces mémoires sont pour moi du plus grand prix, leur ditil, et je vous contiera.i l’original. Le titre seul est de ma main CONFESSIONS D’UNE BELLE ÂME. »

Le médecin donna encore, avec le plus grand soin, quelques avis particuliers à Wilhelm sur le traitement diététique et médical de l’infortunée et violente Aurélie ; il promit d’écrire et même, s’il était possible, de revenir.

En l’absence de AVilhelm.’s’ét.ait préparé un changement qu’il ne pouvait soupçonner. Pendant le temps de sa régie, il avait procédé en tout avec assez de largeur et de libéralité il avait eu surtout la chose en vue, et déployé toujours de l’élégance et de la richesse dans les habits les décorations et tous les accessoires pour entretenir le zèle des comédiens, il avait flatté leur intérêt, ne pouvant avoir prise sur eux par de plus nobles motifs, et il s’y trouvait d’autant plus autorisé, que Serlo luimême ne prétendait nullement au mérite d’un exact économe qu’il aimait à entendre vanter l’éclat de son théâtre, assez content, lorsque Aurélie, qui dirigeait toute l’administration financière, lui assurait que, tous frais payés, elle n’avait aucune dette, et lui remettait encore l’argent nécessaire à l’acquittement