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DE WILHELM MEISTER. 361

Ici je me trouvai au milieu d’un vaste cnamp, et je m engageai dans une recherche qui remplit presque entièrement la seconde année de ma liaison avec Narcisse. J’aurais pu trouver plus tôt la solution, car je fus bientôt sur la trace, mais je ne voulais pas me l’avouer et je cherchais mille défaites. Je reconnus bien vite que la véritable direction de mon âme était troublée par une folle dissipation et par la préoccupation de choses futiles ; le comment et le pourquoi me furent bientôt assez clairs mais de quelle manière en sortir, dans un monde où tout est indifférence ou folie ? J’aurais volontiers laissé la chose où elle était, et j’aurais vécu à l’aventure comme les autres, que je voyais s’en trouver fort bien ; mais je n’osais pas ma conscience me faisait de trop fréquents reproches. Si je voulais me retirer du monde et changer de relations, je ne le pouvais pas. J’étais enfermée dans un cercle ; je ne pouvais rompre certaines liaisons, et, dans une affaire qui me touchait si fort, je voyais se presser et s’accumuler des obstacles inévitables. Je me couchais souvent les larmes aux yeux, et je me levais après une nuit sans sommeil il me fallait un puissant secours, et Dieu ne me l’accordait pas, tant que j’allais et venais avec la marotte.

Alors j’en vins à peser en déta3 chacune de mes actions. Mon examen porta d’abord sur la danse et le jeu. 11 ne s’est rien dit, rien pensé ou écrit sur ces choses, que je n’aie examiné, discuté, lu, pesé, développé, rejeté, me tourmentant moi-même d’une manière inouïe. Si je renonçais à ces choses, j’étais sûre d’offenser Narcisse, car il craignait extrêmement le ridicule que nous donne, aux yeux du monde, l’apparence de scrupules timides. Et, comme je faisais, non pas même par goût, mais uniquement par égard pour Narcisse, tout ce qui n’était à mes yeux que folie, pernicieuse folie, tout m’était à charge horriblement.

Je ne saurais, sans me livrer à des développements et des répétitions désagréables, décrire les efforts que je faisais pour accomplir, sans que mon cœur cessât d’être ouvert à l’influence de l’Ètre invisible, ces actes qui me dissipaient et troublaient ma paix intérieure, et comme je dus sentir douloureusement que le combat ne pourrait se terminer de la sorte car, aussitôt