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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/403

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DE WILHELM MEISTER. 399

mère et ses parents n’avaient pas été oubliés. Nous connaissions parfaitement les caractères de toute la famille, et, comme nous les avions souvent comparés entre eux, nous cherchâmes maintenant, chez les enfants, les traits de ressemblance extérieure et intérieure. L’aîné des fils de ma sœur nous parut ressembler à son grand-père paternel, dont il existait un portrait d’enfant d’un très-bon travail, qui se trouvait dans la collection de notre oncle. Le grand-père s’était montré brave officier, et son digne petit-fils n’aimait rien tant que les armes, son unique amusement, chaque fois qu’il venait me voir. Mon père avait laissé une armoire pleine de belles armes, et l’enfant n’avait pas de repos avant que je lui eusse prêté une paire de pistolets et un fusil de chasse, et qu’il eût découvert comment on armait le chien d’un fusil allemand. Au reste, il n’était rien moins que rude ; il était doux et sage, au contraire, dans toutes ses manières et sa conduite.

La sœur aînée avait gagné toute mon affection, peut-être parce qu’elle me ressemblait, et qu’elle m’était le plus attachée. Mais je puis dire que plus je l’observais attentivement, à mesure qu’elle grandissait, plus je rougissais de moi-même ; je ne pouvais voir cette enfant sans admiration, j’oserai presque dire sans un véritable respect. Il eût été difficile de rencontrer une figure plus noble, une âme plus paisible et une activité aussi égale, que nul objet ne limitait. Elle n’était pas désoccupée un seul instant de sa vie, et tout travail prenait de la dignité dans ses mains. Elle se livrait avec un égal plaisir à toute occupation, pourvu qu’elle arrivât en son temps et à sa place ; elle savait aussi demeurer tranquille sans impatience, s’il ne se trouvait rien a faire. Je n’ai revu de ma vie cette activité sans besoin d’action. Dès son enfance, sa charité avec les pauvres et les malheureux fut incomparable. J’avoue que je n’avais jamais su me faire une occupation de la bienfaisance ; je n’étais point avare avec les indigents, souvent même je donnais trop, eu égard à ma position, mais c’était, en quelque sorte, pour l’acquit de ma conscience, et je ne savais donner mes soins qu’aux membres de ma famille. C’est justement le contraire que je loue chez ma nièce. Je ne la vis jamais donner à un pauvre de l’argent et ce qu’elle recevait de moi dans ce but, elle commençait