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DE WILHELM MEISTER. 407

tantôt u se proposait de réparer sa négligence le lendemain ; tantôt il sentait que la présence de Lothaire le disposait a de tout autres sentiments. La maison où il se trouvait était aussi pour lui un sujet de surprise il ne se reconnaissait plus dans cette situation nouvelle. Il voulut se coucher et ouvrit son portemanteau. Parmi les choses dont il avait besoin, il en tira le voile, que Mignon avait placé dans ses effets. Cet objet augmenta sa disposition mélancolique. Fuis, jeune homme ! fuis ! s’écria-t-il. Que signifient ces mystérieuses paroles ? Que fuir ? Où fuir ? Le spectre aurait dû me crier plutôt Rentre en toimême !

Il considéra les gravures anglaises qui décoraient la chambre. Il promena sur la plupart des regards indifférents enfin il en vit une qui représentait un naufrage. Un père, avec ses deux filles, d’une grande beauté, attendait la mort, dont les flots le menaçaient. Une des dames avait quelque ressemblance avec l’amazone. Notre ami fut saisi d’une inexprimable pitié ; il ne put résister au besoin de soulager son cœur ; il fondit en larmes, et le sommeil put seul mettre un terme a son émotion. Vers le matin, il fit des rêves singuliers. Il se voyait dans un jardin, qu’il avait souvent visité dans son enfance, et il reconnaissait avec plaisir les allées, les haies, les parterres de fleurs ; Marianne vint au-devant de lui il lui parlait avec tendresse, sans souvenir d’aucune brouillerie. Puis son père vint à eux, en habit de maison, avec un air familier, qui ne lui était pas ordinaire ; il dit à son fils d’aller chercher deux chaises dans le pavillon ; il prenait Marianne par la main et la conduisait sous un berceau. Wilhelm courut au pavillon, mais il le trouva entièrement vide seulement il vit Aurélie à la fenêtre en face de la porte ; il s’approcha d’elle pour lui adresser la parole, mais elle ne tournait point la tête, et, quoiqu’il se fût placé près d’elle, il ne pouvait voir son visage. Il regarda par la fenêtre, et vit, dans un autre jardin, plusieurs personnes réunies, dont il reconnut aussitôt quelques-unes. Mme Mélina était assise sous un arbre, et jouait avec une rose qu’elle tenait à la main Laërtes était auprès d’elle, et comptait des pièces d’or d’une main dans l’autre. Mignon et Félix étaient couchés sur le gazon, Mignon étendue sur le dos, Félix, la face contre terre. Philinc