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440 LES ANNEES D’APPRENTISSAGE

et lui rendirent compte de tout ce qui s’était passé au logis en son absence.

« Vous voyez là encore une partie de mes occupations, dit Thérèse. J’ai fait une association avec l’excellente sœur de Lothaire nous élevons en commun un certain nombre de jeunes filles ; je forme les vives et diligentes ménagères, et elle se charge de celles qui montrent des goûts plus tranquilles et plus délicats ; car il est convenable de pourvoir de toute manière au bien des hommes et du ménage. Quand vous ferez la connaissance de ma noble amie, vous commencerez une vie nouvelle. Sa beauté, sa bonté, la rendent digne des hommages du monde entier. b

Wilhcim n’osa dire, hélas qu’il connaissait déjà la belle comtesse, et que ses relations passagères avec elle seraient pour lui la source de regrets éternels. Heureusement, Thérèse ne poursuivit pas la conversation ; ses affaires l’obligèrent a rentrer dans la maison.

Il se trouvait seul, et ce qu’il venait d’apprendre, que la belle comtesse était aussi forcée de se consoler par la bienfaisance du bonheur qu’elle avait perdu, lui causait une extrême tristesse. Il sentait que, chez elle, ce n’était qu’un besoin de se distraire et de substituer aux jouissances de la vie l’espérance de la félicité d’autrui. Il admirait le bonheur de Thérèse, qui, même après ce triste et soudain changement, n’avait pas besoin de rien changer en elle. « Heureux par-dessus tout, se disait-il, celui qui, pour se mettre en harmonie avec la fortune, n’est pas réduit à rejeter toute sa vie passée

Bientôt Thérèse revint et lui demanda pardon de le déranger éncore.

« Toute ma bibliothèque est dans cette armoire, lui dit-elle ; ce sont plutôt des livres que je laisse vivre qu’une collection soignée. Lydie demande un livre de piété il s’en trouvera bien deux ou trois dans le nombre. Les gens qui sont mondains toute l’année se figurent qu’ils doivent être dévots dans l’affliction ; ils considèrent tout ce qui est bon et moral comme une médecine, que l’on prend avec répugnance, quand on se trouve indisposé ils ne voient dans un écrivain religieux, dans un moraliste, qu’un médecin, qu’on ne saurait mettre assez vite à la