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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/67

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avait aussi rassemblé ses médailles dans un ordre convenable pour l’art et pour l’histoire ; le petit nombre de ses pierres gravées méritait tous les éloges ; et tout l’ensemble était bien disposé, quoique les chambres et les salles de la vieille maison fussent construites sans symétrie.

— Vous pouvez juger ce que nous perdîmes, nous autres enfants, quand tous ces objets furent enlevés et emballés. Ce fut le premier chagrin de ma vie. Je me rappelle encore comme les chambres nous parurent vides, quand nous vîmes disparaître peu à peu tous les objets qui nous avaient amusés dès notre bas âge, et que nous croyions être aussi fixes à leur place que la maison et la ville elle-même.

— Si je ne me trompe, votre père plaça les fonds qu’il en retira dans le commerce d’un voisin, avec lequel il forma une association.

— C’est vrai, et leurs entreprises ont bien réussi ; ils ont beaucoup augmenté leur fortune depuis douze ans, et ils n’en sont que plus ardents l’un et l’autre à l’augmenter encore. Mais le vieux Werner a un fils qui entend le commerce beaucoup mieux que moi.

— Je suis fâché que cette ville ait perdu un ornement tel que le cabinet de votre grand-père. Je visitai cette collection peu de temps avant qu’elle se vendît, et, je puis le dire, c’est moi qui fis conclure le marché. Un gentilhomme riche, et grand amateur, mais qui, dans une affaire si importante, ne se fiait pas uniquement à ses propres lumières, m’avait envoyé chez vous et me demandait mon avis. Je consacrai six jours à l’examen du cabinet, et, le septième, je conseillai à mon ami de donner sans hésiter la somme demandée. Vous étiez un petit garçon fort, éveillé ; vous tourniez souvent autour de moi, m’expliquant les sujets des tableaux, et vous saviez, en général, fort bien rendre compte du cabinet.

— Je me souviens d’une personne qui fit ce que vous dites, mais je ne vous aurais pas reconnu.

— Il y a longtemps de cela, et puis nous changeons plus ou moins. Vous aviez dans la collection, si mon souvenir est fidèle, un tableau favori, que vous ne vouliez pas me laisser quitter.