Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/86

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pourvu qu’il voie se passer quelque chose ; l’homme de goût veut être ému, et la réflexion n’est agréable qu’à ceux dont le goût est tout à fait épuré. Wilhelm aurait volontiers secondé çà et là les acteurs, car, avec quelques conseils, ils auraient pu jouer beaucoup mieux.

II fut troublé dans les observations qu’il faisait à part lui, par une fumée de tabac, de plus en plus épaisse : le maître des eaux et forêts avait allumé sa pipe dès le commencement de la pièce, et, de proche en proche, de nombreux spectateurs prirent la même liberté. Les grands chiens de ce monsieur jouèrent aussi de fâcheuses scènes. On les avait mis dehors ; mais ils découvrirent bientôt la porte de derrière, s’élancèrent sur le théâtre, assaillirent les acteurs, et, sautant par-dessus l’orchestre, ils rejoignirent leur maître, assis au premier rang du parterre.

Pour la petite pièce, on représenta un sacrifice. Un portrait du vieillard, en habit de noces, était dressé sur un autel et couronné de fleurs. Tous les acteurs lui rendirent hommage dans des attitudes pleines de respect. Le plus jeune de ses enfants s’avança, vêtu de blanc, et récita un discours en vers, qui émut jusqu’aux larmes toute la famille et même le maître des eaux et forêts, à qui cette scène rappelait ses enfants.

Ainsi se termina le spectacle, et Wilhelm ne put s’empêcher de monter sur le théâtre, de s’approcher des actrices, de les complimenter sur leur jeu et de leur donner quelques conseils pour l’avenir.

Les autres affaires que notre ami régla successivement dans quelques bourgs, grands ou petits, de ces montagnes, ne furent pas toutes aussi heureuses et aussi agréables. Plusieurs débiteurs demandèrent des délais ; plusieurs furent impolis, plusieurs prétendirent ne rien devoir. D’après ses instructions, Wilhelm dut en citer quelques-uns en justice, consulter un avocat, informer, comparaître, et prendre bien d’autres mesures non moins désagréables.

Les choses n’allaient pas mieux pour lui quand on voulait lui faire une politesse. Il trouvait peu de gens en état de lui fournir quelques renseignements ; bien peu, avec lesquels il espérât de lier d’utiles relations de commerce. Et comme, par malheur,