Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

aussitôt, posa la main droite sur sa poitrine, la gauche sur son front, et s’inclina profondément.

«  Ne t’effraye pas, chère petite, » dit Wilhelm en courant à elle.

Elle jeta sur lui un regard timide, et fit quelques pas en arrière.

«  Quel est ton nom ? lui dit-il.

— Ils m’appellent Mignon.

— Quel est ton âge ?

— Personne n’a compté mes années.

— Qui était ton père ?

— Le grand diable est mort.

— Voilà qui est assez singulier ! » s’écria Philine.

On lui fit encore d’autres questions : elle répondit en mauvais allemand et avec une singulière solennité, et, chaque fois, elle portait la main à sa poitrine et à son front et s’inclinait profondément.

Wilhelm ne pouvait se rassasier de la regarder ; ses yeux et son cœur étaient attirés irrésistiblement par cette mystérieuse créature. Il lui donnait douze ou treize ans. Elle était bien faite, mais ses membres promettaient une plus forte croissance ou annonçaient un développement comprimé. Sa figure n’était pas régulière, mais frappante, son front rêveur, son nez d’une beauté remarquable, et la bouche, quoique trop fermée, pour un enfant, et quelquefois agitée, d’un côté, de mouvements convulsifs, était toujours naïve et charmante. On pouvait à peine distinguer sous le fard la couleur brune de son visage. Cette figure laissa dans l’esprit de Wilhelm une empreinte profonde ; il ne la quittait pas des yeux, gardait le silence, et cette contemplation lui faisait oublier ceux qui l’entouraient Philine. le tira de sa rêverie, en offrant à l’enfant quelques bonbons qui lui restaient et lui faisant signe de s’éloigner. Mignon fit sa révérence accoutumée, et sortit, aussi prompte que l’éclair.

L’heure étant venue, où les nouveaux amis devaient se séparer, ils convinrent auparavant d’une seconde promenade pour le lendemain. Ils résolurent, cette fois, d’aller dîner dans une maison de chasse du voisinage. Wilhelm, en se retirant, revint plusieurs