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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/100

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toni : cependant Julie, à qui toute une journée de promenade . ne suffisait pas, fit mettre les chevaux à la voiture, pour se rendre chez une amie, qu’elle était au désespoir de n’avoir pas vue depuis deux jours. Les quatre personnes qui restaient se sentirent soudain embarrassées, et l’on en vint même à dire que l’absence du père inquiétait ses alentours. La conversation commençait à languir, quand tout à coup le joyeux frère sortit, et revint bientôt avec un livre, offrant de faire une lecture. Lucinde ne put s’empêcher de lui demander comment lui était venue cette idée, qu’il-n’avait pas eue depuis un an ; à quoi il répondit gaiement :

« Toutes les idées me viennent à propos : c’est une chose dont vous ne pouvez pas vous vanter.

Puis il se mit à lire une suite de ces vrais contes, qui arrachent l’homme à lui-même, flattent ses désirs, et lui font oublier toutes les barrières dans lesquelles nous sommes toujours emprisonnés, même dans nos plus heureux moments.

« Que faire maintenant ? s’écria Lucidor, lorsqu’enfin il se trouva seul : le temps presse. Je me défie d’Antoni : c’est un étranger. Je ne sais ce qu’il est, ni comment il se trouve dans cette maison, ni ce qu’il veut. Il semble avoir des empressements pour Lucinde : que pourrais-je donc espérer de lui ? Je n’ai plus d’autre ressource que de m’adresser à Lucinde ellemême. 11 faut qu’elle sache tout, qu’elle le sache avant tout autre. C’était mon premier sentiment : pourquoi nous laissonsnous égarer sur le chemin de la prudence ? Eh bien, je finirai comme j’aurais dû commencer, et j’espère atteindre le but.

Le samedi matin, Lucidor, s’étant levé de bonne heure, se promenait dans sa chambre en long et en large, méditant sur ce qu’il dirait à Lucinde, lorsqu’il entendit comme une querelle badine devant sa porte, qui s’ouvrit aussitôt. Le joyeux frère poussait devant lui un domestique, qui apportait du café et des pâtisseries pour notre ami ; lui-même, il portait des viandes froides et du vin.

« Va toujours ! criait le fils de la maison. Il faut servir d’abord notre hôte ; je suis accoutumé à me servir moi-même. Mon ami, je viens aujourd’hui un peu matin et bruyamment. Commençons par déjeuner en paix, et puis nous verrons ce que