Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/140

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en arrivant, et les deux amis prirent le chemin qui menait chez Valérine. La contrée avait un aspect riche et fertile, et semblait le vrai berceau de l’agriculture. En effet, dans le quartier qui appartenait au mari de Valérine, le sol était excellent et bien cultivé. Wilhelm eut le loisir d’observer le pays en détail, car Lénardo cheminai ! en silence & ses côtés. Enfin le baron prit la parole.

  • Un autre, à ma place, aurait cherché peut-être à s’approcher de Valérine incognito, car c’est toujours un pénible sentiment de paraître aux yeux des personnes qu’on a offensées ; mais je préfère me résoudre à subir le reproche que je redoute de ses premiers regards, plutôt que de m’en garantir par le déguisement et le mensonge. Le mensonge peut nous mettre dans l’embarras autant que la vérité, et, si nous voulions peser les avantages de l’un et de l’autre, nous trouverions que le mieux est de s’atta^ cher invariablement à la vérité. Ainsi donc, avançons avec courage ; je veux me nommer, et je vous présenterai comme mon ami et mon compagnon de voyage. »

Ils étaient arrivés dans la cour, et ils mirent pied à terre. Un homme de bonne mine, vêtu simplement, qu’ils pouvaient prendre pour un fermier, vint au-devant d’eux, et se présenta comme le maître de la maison. Lénardo déclina son nom, et le maître parut fort joyeux de le voir et de faire sa connaissance.

« Que dira ma femme, s’écria-t-il, quand elle reverra le neveu de son bienfaiteur ? Elle ne peut assez-nous dire et nous raconter tout ce qu’elle et son père doivent à monsieur votre oncle. »

Quelles étranges réflexions se croisèrent tout à coup dans l’esprit de Lénardo !

« Cet homme, qui a l’air si loyal, cache-t-il son amertume sous un visage affable et des paroles polies ? Est-il capable de donner à ses reproches un air si gracieux ? mon oncle n’a-t-il pas rendu cette famille malheureuse ? et la chose serait-elle restée inconnue au mari ? Ou bien, se dit le baron, qui saisit vivement cette espérance, l’affaire n’a-t-elle pas été aussi mal que tu l’imagines ? Car enfin tu n’en as jamais eu des nouvelles positives. »