Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/18

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que j’aie le bonheur de me retrouver à tes pieds, et, en pressant tes mains sur mes lèvres, de pleurer sur toutes les privations qu’on m’impose. »

Le lendemain matin.

« J’ai plié bagage. Le guide attache le portemanteau sur ses crochets. Le soleil n’est pas encore levé ; les brouillards montent de toutes les profondeurs, mais là-haut le ciel est pur. Nous descendons dans les sombres vallées, qui bientôt s’éclaireront aussi sur nos têtes. Laisse-moi t’adresser mon dernier soupir ! Laisse mon dernier regard vers toi se remplir encore de larmes involontaires ! Je suis décidé et résolu. Tu n’entendras de moi aucune plainte ; tu n’entendras que le récit des aventures du voyageur. Et cependant, au moment où je veux achever, les pensées, les désirs, les espérances et les projets se croisent dans ma tête. Heureusement on m’entraîne : le guide m’appelle, et déjà l’aubergiste remet en ordre la chambre en ma présence, comme si j’étais parti, de même que des héritiers durs et inconsidérés ne cachent pas au mourant leurs préparatifs pour se mettre en possession. »



CHAPITRE II.

Le nouveau saint Joseph.


Déjà le voyageur, marchant sur les pas de son guide, avait laissé derrière lui et sur sa tête les rochers escarpés ; déjà ils parcouraient un pays plus doux, région moyenne de la montagne, et, traversant d’une course rapide des forêts bien aménagées, de gracieuses prairies, ils se trouvèrent enfin sur une pente, d’où la vue plongeait dans un vallon soigneusement cul-