Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/204

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jamais ; puis elle avait rassemblé et déployé tout ce qui était achevé du trousseau d’Hilarie, bien plus par finesse, afin d’amener la conversation sur ce qui manquait encore, que pour faire valoir ce qu’on avait déjà obtenu. Tout le nécessaire était là, et des plus fines étoffes et du travail le plus élégant ; les fantaisies ne manquaient pas non plus, et pourtant Annette savait rendre sensible une lacune aux endroits où l’on aurait pu tout aussi bien trouver le plus bel enchaînement. Tandis que tout le linge, en bel étalage, éblouissait les yeux ; que la toile, la mousseline, et tous ces tissus délicats, de toute dénomination, répandaient un doux éclat, les soieries bigarrées manquaient encore : on en retardait sagement l’emplette, parce que les modes étaient fort changeantes, et qu’on voulait ajouter au trousseau, comme conclusion et couronnement, les dernières nouveautés.

Après cette agréable revue, les dames étaient revenues à leur conversation ordinaire, mais toujours variée. La baronne, qui savait fort bien quels dons intérieurs contribuent, avec une heureuse figure, à rendre agréable et a faire rechercher une jeune femme, où que le sort puisse la conduire, avait eu soin, dans sa retraite champêtre, de se livrer avec sa fille à des conversations tellement variées et instructives, qu’IIilarie, si jeune encore, semblait être déjà partout en pays de connaissance, ne paraissait étrangère à aucun sujet d’entretien, et pourtant observait toujours la réserve convenable à son âge. Exposer comment la baronne avait obtenu ce résultat exigerait de trop longs détails ; bornons-nous à dire que cette soirée encore fut aussi bien employée que les autres ; une lecture instructive, le clavecin, un chant agréable, remplirent les heures doucement et régulièrement, comme d’habitude, mais d’une manière significative : un absent occupait leur pensée, un bomme chéri et respecté, pour qui l’on préparait tout cela et d’autres choses encore, afin de fêter son arrivée. C’était une émotion de fiancée, et Hilarie n’était pas seule à éprouver ces doux sentiments : la mère y prenait part avec une joie pure, et Annette elle-même, qui n’était d’ordinaire que sage et diligente, s’abandonnait à certaines espérances lointaines, qui faisaient briller à ses yeux le retour et la présence d’un absent aimé. C’est ainsi