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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/238

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les régions les plus élevées, où ne se voient plus aucun arbre, aucun buisson, mais où quelques places abritées, entre les pics de rochers et les cimes neigeuses, se couvrent d’un tendre gazon. Si attrayant et si beau que soit le coloris qu’il donne à cette suave verdure, il a judicieusement évité d’y peindre des troupeaux paissants : car, dans ces régions, les chamois seulement trouvent leur pâture, et le faucheur sauvage un périlleux butin.

Ce n’est pas nous éloigner de notre objet que de dépeindre à nos lecteurs, aussi exactement que possible, ces régions désolées, et de leur expliquer, en peu de mots, l’expression de faucheur sauvage, que nous venons d’employer. On désigne sous ce nom les plus pauvres habitants des hautes montagnes^ qui se hasardent à récolter le foin dans ces places gazonnées, absolument inaccessibles au bétail. Les pieds armés de crampons, ils gravissent les roches les plus escarpées et les plus dangereuses, ou, s’il est nécessaire, ils se font descendre avec des cordes jusqu’à ces places. Ont-ils fauché et fané l’herbe, ils la jettent des hauteurs dans les vallées inférieures, où elle est recueillie et vendue aux nourrisseurs, qui l’achètent volontiers, à cause de son excellente qualité.

Ces tableaux devaient attirer et charmer chacun de nos amis, mais Hilarie les considérait surtout avec une grande attention. Ses observations firent deviner qu’elle n’était pas elle-même étrangère à ce talent ; l’artiste devait s’y tromper moins que personne, lui qui n’aurait ambitionné aucun suffrage autant que celui de cette aimable jeune fille. Aussi son amie ne lui garda pas plus longtemps le secret : elle blâmait Hilarie d’hésiter, cette fois encore, à laisser paraître ce qu’elle savait. Il ne s’agissait pas ici d’être louée ou critiquée, mais de s’instruire. Elle n’en trouverait peut-être jamais une plus belle occasion.

On finit par la contraindre à montrer son portefeuille, et l’on put reconnaître que cette charmante et modeste jeune fille possédait un véritable talent ; c’était un goût naturel, exercé par l’étude ; elle avait l’œil juste, la main adroite, comme les femmes en acquièrent l’avantage, pour les œuvres d’art, dans leurs travaux ordinaires de toilette et de parure. On remarquait, il est vrai, de l’incertitude dans le dessin, d’où il résultait que le caractère des objets n’était pas suffisamment exprimé ;