Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/256

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car, si notre excellent sculpteur veut être sincère, il reconnaîtra que notre poète l’a importuné, précisément parce que les deux artistes sont aussi loin que possible l’un de l’autre ; j’oserais au contraire affirmer que plus d’un peintre s’est approprié quelque trait de ce vivant tableau…. Je voudrais cependant faire entendre à notre ami un chant paisible et doux, un chant que vous exécutez avec une gravité charmante ; il plane sur l’ensemble de l’art, et je ne puis moi-même jamais l’entendre sans être touché. »

Après une pause, pendant laquelle les élèves échangèrent des signes d’intelligence, toute la salle retentit de ce noble chant qui élevait à la fois les esprifs et les cœurs :

’ Pour inventer, pour te résoudre, artiste, demeure souvent seul ; pour jouir de ton ouvrage, va gaiement te mêler dans la foule. Là, dans l’ensemble, observe, découvre ta propre voie, et les travaux de plusieurs années se révéleront pour toi dans le voisin.

« La pensée, le projet, les formes, leurs rapports, l’un l’autre se fécondent, et l’on touche au terme enfin. Bien inventer, méditer sagement, modeler avec élégance et délicatement finir : c’est ainsi toujours que l’artiste ingénieux a conquis sa puissance.

« Comme la nature en ses mille tableaux ne manifeste qu’un Dieu, ainsi, dans le vaste champ des arts, règne une idée éternelle : c’est l’idée de la vérité, qui ne veut pour ornement que le beau, et qui ose regarder fixement la plus vive clarté du jour le plus pur.

« Comme le poëte et l’orateur se déploient hardiment dans les vers et la prose, que la rose charmante s’anime, s’épanouisse dans le tableau du peintre, entourée de ses sœurs brillantes, couronnée dos fruits de l’automne, en sorte qu’elle éveille l’impression manifeste d’une secrète vie.

« Que, toujours diverse et belle, la forme découle de la forme sous ta main, et qu’elle aime dans la figure de l’homme la préférence de la divinité. De quelque instrument que vous fassiez usage, présentez-vous comme frères, et, au bruit des chants, la flamme et la fumée du sacrifice s’élèvent en colonne de l’autel- i

Wilhelm était fort disposé à tout admettre, bien que tout lui