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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/269

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quer un aviron pour la cheville. L’aviron ne lui servait non plus à rien : il travailla sérieusement à fabriquer une barque, et il y réussit. Mais la barque, l’aviron et la cheville ne l’avançaient guère : il se procura des mâts et des voiles, et peu à peu tout ce qui est nécessaire à la vitesse et à la facilité de la navigation. Par des efforts bien dirigés, il parvient.à une plus grande habileté ; la fortune le favorise ; il se voit enfin possesseur et patron d’un grand vaisseau ; le succès va croissant ; il acquiert fortune et considération, et se fait un nom parmi les navigateurs.

Après t’avoir donné l’occasion de relire cette agréable histoire, je dois avouer qu’elle n’a qu’un rapport très-général avec ce qui m’occupe, mais qu’elle me conduit au sujet dont je veux t’entretenir. 11 faut cependant que je fasse encore quelques détours.

Les facultés de l’homme sont générales ou particulières ; les facultés générales peuvent être considérées comme des aptitudes qui dorment paisiblement, que les circonstances éveillent, et que le hasard consacre à tel ou tel objet. Le don d’imiter est général chez l’homme ; il veut copier, contrefaire ce qu’il voit, même sans avoir le moindre moyen intérieur et extérieur d’atteindre son but. Il est donc toujours naturel qu’il veuille faire à son tour ce qu’il voit faire : mais ce qu’il y aurait de plus naturel, serait que le fils embrassât le métier de son père. Alors tout se trouve réuni : .peut-être une activité déjà innée pour l’objet particulier, décidée, dans une direction originelle ; puis une pratique raisonnée, graduée, suivie ; enfin un talent formé, qui nous oblige à persévérer dans la voie où nous sommes entrés, quand d’autres penchants viennent à se développer en nous, et qu’un libre choix pourrait nous conduire à un travail pour lequel la nature ne nous a donné ni talent ni persévérance. En somme, les plus heureux sont ceux qui trouvent l’occasion d’exercer dans la maison paternelle un talent naturel, un talent de famille. C’est ainsi que nous avons des générations de peintres. Dans le nombre, il s’est trouvé sans doute de faibles talents ; cependant ils ont fait des choses