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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/282

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Tu le connais, et tu croiras sans peine qu’il m’épargna aussi peu qu’il épargne tout le monde. Mais il s’appuya principalement sur le motif qu’il me présenta au nom de notre grande société.

« Votre culture générale, me dit-il, et toutes vos institutions pour la procurer, ne sont que ridicules folies. Ce qui importe, c’est qu’un homme possède parfaitement certaines connaissances ; qu’il puisse exécuter excellemment ce qu’un homme du voisinage ne ferait pas aussi bien que lui. Cela s’entend surtout de soi-même dans notre association. Tu es justement dans l’âge où l’homme se propose un travail avec discernement, juge avec intelligence ce qui se présente à lui, l’attaque du bon côté, et dirige vers le véritable but ses talents et ses facultés »

Pourquoi t’exposer plus longuement une chose évidente’ ? Il me fit comprendre que je pouvais obtenir dispense de la vie errante qu’on m’avait si singulièrement imposée, mais qu’on ne me ferait pas cette faveur sans difficulté. Il me dit :

  • Tu es du nombre des personnes qui s’accoutument aisément à un lieu et malaisément à une destination. A tous ces hommes on impose la vie errante, dans l’espérance de les faire arriver à un genre de vie fixe. Veux-tu te consacrer à la plus divine de toutes les professions, à guérir les blessures sans miracles et à faire des miracles sans paroles ? je m’emploierai pour toi. »

C’est ainsi qu’il parla avec véhémence, et il ajouta toutes les puissantes considérations que son éloquence lui sut inspirer.

Il est temps que je finisse ; mais tu apprendras bientôt avec détail comment j’ai profité de la permission de séjourner plus* longtemps en un lieu déterminé ; comment j’ai su promptement m’appliquer, me former, à l’œuvre pour laquelle je sentis toujours une inclination secrète. Enfin, dans la grande entreprise que vous poursuivez, je me montrerai comme un membre utile, un membre nécessaire de la société, et je m’attacherai à vos pas avec une certaine confiance, avec quelque orgueil, car il est louable, l’orgueil d’être digne de vous.