Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/305

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d’hui, devienne un métier ; que ce qui se fait isolément passe dans la pratique générale, et rien ne peut se répandre que ce qui est reconnu. Il faut que l’on reconnaisse nos travaux comme le secours unique dans une pressante calamité, qui menace particulièrement les grandes villes. Je vais vous rapporter les propres paroles de mon maître ; mais écoutez bien ! Il me disait un jour en grand secret :

« Le lecteur de gazettes trouve curieuses et même divertis santes les histoires de résurrectionnistes. Ils commencèrent,r par voler les corps avec un profond secret : on leur opposa « des gardiens. Alors ils vinrent par bandes armées, pour s’em« parer violemment de leur proie. Et, ce qu’il y a de pire, je ’ n’ose en parler, car je serais entraîné, non pas, il est vrai, « comme complice, mais comme témoin accidentel, dans l’en« quête la plus dangereuse, et je devrais, en tout cas, être puni « pour n’avoir pas dénoncé le crime à la justice, aussitôt après « l’avoir découvert. Faut-il vous l’avouer, mon ami ? dans cette « ville on a assassiné pour fournir des corps aux anatomistes « pressants, qui payaient bien. Le cadavre était gisant devant « nous…. Je n’ose décrire cette scène…. Mon maître découvrit le forfait, je le découvris aussi : nos yeux se rencontrèrent et « nous gardâmes le silence ; et, les yeux baissés, nous reprîmes « notre travail. Voilà, mon ami, ce qui m’a relégué parmi la « cire et le plâtre, et ce qui vous intéressera vous-même à cet « art, qui sera quelque jour plus estimé que tous les autres. »

A ces mots Frédéric se leva vivement ; il battit des mains ; ses bravos ne cessaient pas, tellement que Wilhelm finit par se ficher tout de bon.

« Bravo, s’écria Frédéric : je te reconnais maintenant. Il y a bien longtemps que tu n’avais parlé en homme qui a véritablement une chose à cœur ; pour la première fois, le flot du discours t’a entraîné ; tu t’es montré capable de vanter et d’accomplir quelque chose. »

Lénardo prit la parole à son tour, et accommoda parfaitement cette petite querelle.

« J’ai paru distrait, dit-il.à Wilhelm, mais c’est que la chose me préoccupait trop vivement. Je me suis en effet rappelé un grand cabinet de ce genre,.que j’ai vu dans mes voyages, avec