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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/308

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moulin ; il m’a mis à l’épreuve, et, moi j’ai tr uvé fort aréable un travail qui m’était si facile et qui satisfaisait un homme grave. Je suis donc, au besoin, toute une chancellerie. On m’associe encore une machine arithmétique à deux jambes, et il n’est pas un prince, quel que soit le nombre de ses secrétaires, qui soit mieux servi que nos chefs. »

Une conversation joviale sur de si merveilleux talents amen ?les amis à parler d’autres associés.

« Croiriez-vous, dit Frédéric, que celle qui semblait la plus inutile créature du monde, que ma Philîne enfin, deviendra l’anneau le plus utile de cette grande chaîne ? Étalez une pièce d’étoffe ; présentez-lui des hommes, présentez-lui des femmes : sans prendre mesure, elle vous taille en plein drap, et sait tellement bien utiliser tous les morceaux, toutes les pointes, qu’il en résulte un notable profit, et tout cela sans tâtonnement ; un heureux coup d’œil lui dit tout : elle voit la personne et elle coupe. On peut ensuite aller où l’on veut, elle coupe encore, et vous fait un habit qui semble moulé sur le corps. Cependant la chose serait impraticable, si elle ne s’était pas associé une couturière, la Lydie de Montan, qui est devenue tranquille et qui reste tranquille, mais qui sait coudre comme personne. Ses points sont des rangées de perles, une véritable broderie. Et voilà ce qu’on peut faire de la créature humaine. C’est proprement l’habitude, la fantaisie, la distraction et le caprice, qui nous affublent de tant de choses inutiles, et nous jettent sur les épaules un manteau d’Arlequin. C’est pourquoi nous ne savons ni découvrir ni mettre à profit ce que la nature a voulu faire de nous, ce qu’elle a mis en nous de plus excellent. »

Des réflexions générales sur les avantages de l’association qui é s’était si heureusement formée ouvrirent les plus belles perspec’ tives.

Lénardo étant venu joindre ses amis, Wilhelm le pria de faire aussi son histoire, de vouloir bien raconter ce qu’il avait fait jusqu’à ce jour, comment il avait travaillé pour lui-même et pour les autres.

« Mon excellent ami, répondit Lénardo, vous n’avez pas oublié dans quelle singulière agitation je me trouvais quand nous avons fait connaissance : j’étais préoccupé, absorbé par la plus