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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/385

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— Je le savais, répondit Wilhelm, car les amis ne se révèlent rien plus clairement les uns aux autres que ce qu’ils se taisent réciproquement. Les dernières phrases du journal où Lénardo se rappelle, justement au milieu des montagnes, la lettre que je lui écrivis, ont rendu présente à mon imagination, avec tout son esprit et tout son cœur, cette excellente jeune femme. Je le voyais, dès le lendemain, s’approcher d’elle, la reconnaître et tout ce qui pouvait s’ensuivre. Mais j’avouerai sincèrement que ce n’est pas la curiosité, c’est la sincère affection que je lui ai vouée, qui causait mon inquiétude, en présence de votre silence et de votre réserve.

— Par conséquent, dit Frédéric, le paquet que nous venons de recevoir t’intéresse d’une façon toute particulière. On avait envoyé la suite du journal à Macarie, et l’on ne voulait pas te gâter par un récit cette grave et charmante aventure. Mais il faut qu’il te soit remis sur-le-champ. Lénardo a sans doute ouvert le paquet, et il n’a pas besoin du journal pour être éclairci de ce qui le regarde. »

Là-dessus Frédéric courut comme autrefois ; il revint en courant, et apporta le cahier promis.

« Maintenant, dit-il, il faut aussi que j’apprenne ce que nous allons devenir. »

En disant ces mots, il s’éloigna lestement, et Wilhelm entreprit sa lecture.

Journal de Lénardo (suite).

Vendredi, 19.

Comme nous devions, ce jour-là, faire diligence pour arriver de bonne heure chez Mme Susanne, nous déjeunâmes à la hâte avec toute la famille ; nous la remerciâmes, en la félicitant à mots couverts ; nous laissâmes au rhabilleur, qui restait, les cadeaux destinés aux jeunes filles, quelque chose de plus riche et de plus nuptial que ceux de l’avant-veille ; et, les glissant dans ses mains à la dérobée, nous rendîmes le bon jeune homme bien joyeux.