Aller au contenu

Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/419

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

toutes ses phases, tandis que l’intérieure diminuait de plus en plus.

Cette faculté la rendait indifférente aux choses de la vie, mais ses vertueux parents n’épargnèrent aucun soin pour son éducation ; toutes ses facultés s’animèrent, toutes ses forces agirent, en sorte qu’elle suffisait à toutes les occupations extérieures ; et, tandis que son esprit, que son cœur, étaient pleins de visions célestes, ses actions, sa conduite, restaient toujours conformes aux inspirations les plus nobles et les plus pures. Arrivée à la fleur de l’âge, toujours secourable, infatigable à rendre de grands et de petits services, elle passait comme un ange sur la terre, tandis que son être spirituel se mouvait, il est vrai, autour du soleil de ce monde, mais s’élevait vers le monde intellectuel en orbes toujours croissants.

L’ivresse de cet état était en quelque sorte tempérée par cette circonstance qu’en elle aussi la nuit semblait succéder au jour : en effet, quand la lumière intérieure s’éteignait, elle s’appliquait à remplir fidèlement les devoirs extérieurs ; quand l’intérieur de son être s’illuminait de nouveau, elle s’abandonnait au plus délicieux repos. Elle assure même avoir observé qu’une sorte de nuages voltigent parfois autour d’elle, et lui voilent, pour quelque temps, l’aspect de ses compagnes célestes, intervalle qu’elle sait toujours mettre à profit pour le bien et la joie de ses alentours.

Aussi longtemps qu’elle tint ces visions secrètes, elle eut besoin de grands efforts pour les supporter ; ce qu’elle en révélait était méconnu ou mal interprété ; elle le présenta donc, dans le cours de sa longue carrière, comme une maladie, et c’est ainsi qu’on en parle encore dans la famille. Enfin sa bonne fortune conduisit auprès d’elle l’homme que vous voyez chez nous, également estimable, comme médecin, comme mathématicien et comme astronome, noble caractère qui fut cependant attiré d’abord auprès de Macarie par la curiosité. Mais, lorsqu’elle eut pris confiance en lui, qu’elle lui eut décrit peu à peu son état, qu’elle eut relié le présent avec le passé, et formé un ensemble des événements, il fut tellement intéressé par ce phénomène, qu’il ne put se séparer d’elle désormais, et chercha de jour en jour à pénétrer plus avant dans ce mystère.