Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/438

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Il régna d’abord dans les entretiens une assez grande modération, d’autant que la baronne savait, en plaçant à propos quelques mots agréables, maintenir les deux partis en équilibre ; mais, lorsque approcha le moment décisif où le blocus de Mayence allait être changé en siége, et lorsque l’on commença à concevoir des craintes plus vives pour cette belle ville et ses habitants abandonnés, chacun exprima ses opinions avec une passion sans retenue.

Les clubistes restés dans les murs de Mayence étaient surtout l’objet des entretiens de tout le monde, et chacun attendait leur châtiment ou leur délivrance, selon qu’il blâmait ou qu’il approuvait leur conduite.

Au nombre des premiers se trouvait le conseiller, dont les arguments blessaient Charles de la manière la plus vive, quand il attaquait le bon sens de ces hommes, et les accusait d’ignorer complètement et le monde et eux-mêmes.

« Qu’ils sont aveugles, disait le conseiller, une après-midi, que la conversation commençait à devenir très-animée ; qu’ils sont aveugles d’imaginer qu’un grand peuple, en lutte avec luimême, au milieu de troubles affreux, et qui, dans ses moments paisibles, ne sait rien estimer que lui-même, daignera jeter les yeux sur eux avec quelque intérêt ! On les regardera comme des instruments- on se servira d’eux quelque temps, et enfin on les jettera de côté, ou du moins on les négligera. Combien ils s’abusent, s’ils croient être jamais reçus au nombre des Français !

« Rien ne paraît plus risible aux grands et aux puissants que les faibles et les petits, qui, dans leur aveugle illusion, dans l’ignorance d’eux-mêmes, de leur force et de leur position, se flattent de les égaler. Et croyez-vous donc que la grande nation, après avoir trouvé jusqu’à ce jour la fortune favorable, sera moins fière et moins insolente que tout monarque victorieux ?

« Combien d’officiers municipaux, qui circulent maintenant avec l’écharpe, maudiront cette mascarade, lorsqu’un jour, après avoir aidé à soumettre leurs compatriotes à des formes nouvelles, qui leur sont odieuses, ils se verront traités avec mépris, dans cefte forme nouvelle, par ceux en qui ib avaient mis toute leur confiance ! Oui, il est à mes yeux très-