Aller au contenu

Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/453

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avons par nature à croire le merveilleux. On discourut d’aventures romanesques, d’apparitions, et, le vieillard ayant promis de raconter plus tard quelques bonnes histoires de ce genre, Louise prit la parole et lui dit :

« A’ous seriez bien aimable et nous vous serions fort obligés, si, dans cet instant même, ou nous sommes réunis et convenablement disposés, vous nous faisiez une de ces histoires ; vous pourriez compter sur notre attention et notre reconnaissance. »

Sans se faire longtemps prier, l’ecclésiastique commença en ces termes :

Pendant mon séjour à Naples, il se passa dans cette ville une aventure qui fit une grande sensation, et sur laquelle les opinions furent très-partagées. Les uns assuraient qu’elle était de pure invention, les autres qu’elle était véritable, mais qu’elle recelait une tromperie. Ceux qui partageaient ce dernier avis n’étaient pas non plus d’accord entre eux : ils débattaient ensemble qui pouvait être le trompeur. D’autres encore soutenaient qu’il n’est point démontré que les substances spirituelles ne puissent agir sur les éléments et les corps, et qu’il ne faut pas taxer absolument de mensonge ou de tromperie tout événement merveilleux. Mais venons à notre histoire.

Une chanteuse, nommée Antonelli, était, de mon temps, la favorite du public napolitain. Dans la fleur de la jeunesse, de la beauté et du talent, il ne lui manquait aucun des avantages par lesquels une femme charme et attire la foule, enchante et rend heureux un petit nombre d’amis. Elle n’était pas insensible à l’amour et à la louange ; mais, naturellement sage et modérée, elle savait goûter les plaisirs que l’un et l’autre procurent, tout en restant maîtresse d’elle-même, comme sa position l’exigeait. Tous les jeunes hommes, nobles et riches, l’entouraient de leurs hommages ; elle n’en recevait qu’un petit nombre, et si, dans le choix de ses amants, elle consultait surtout ses yeux et son cœur, elle montrait néanmoins, dans toutes ses petites aventures, un caractère ferme et décidé, qui devait lui gagner chaque observateur attentif. J’eus l’occasion de la voir quelque temps, parce que j’étais fort lié avec un de ses amants.