nelli soupait en ville, on n’apercevait rien ; aussi souvent qu’elle restait à la maison, la voix se faisait entendre.
Mais hors de chez elle, la chanteuse n’était pas non plus tout à fait délivrée de ce fâcheux suivant. Elle s’était ouvert par ses grâces l’entrée des premières maisons ; elle était partout bienvenue, et, pour échapper à l’hôte importun, elle avait pris l’habitude de passer la soirée hors de son logis. Un homme, respectable par son âge et sa position, la reconduisait un soir chez elle dans sa propre voiture. Comme il prenait congé d’Antonelli, devant sa porte, la voix éclate entre eux, et l’on ramène chez lui, plus mort que vif, cet homme, qui savait l’histoire, aussi bien que mille autres personnes.
Une autre fois, un jeune ténor, qu’elle voulait bien souffrir, parcourait avec elle la ville en voiture, pour aller rendre visite à une amie. 11 avait ouï parler de l’étrange phénomène, et, comme un joyeux garçon qu’il était, il doutait de ce prodige. Ils parlèrent de l’aventure. « Je voudrais bien, dit-il, entendre la voix de votre invisible compagnon : appelez-le donc ! Nous sommes deux ; nous n’aurons pas peur. » Audace ou légèreté, je ne sais ce qui put la déterminer, mais elle appela l’esprit, et, à l’instant même, la voix éclatante retentit au milieu de la voiture ; elle se fit entendre vivement trois fois de suite, et s’exhala en un triste gémissement. On les trouva tous deux évanouis dans l’équipage devant la maison de l’amie. On eut beaucoup de peine à leur faire reprendre connaissance, après quoi l’on apprit ce qui leur était arrivé.
Il fallut quelque temps à la belle pour se remettre. Cette frayeur, sans cesse renouvelée, altéra sa santé, et le fantôme Druyant parut lui laisser quelque trêve. Comme il fut longtemps sans se faire entendre, elle espéra même être enfin délivrée de lui entièrement : mais cette espérance était prématurée.
Après le carnaval, elle entreprit, avec une amie et une femme de chambre, un voyage de plaisir. Elle se proposait de faire une visite à la campagne. La nuit tomba avant qu’elles fussent arrivées au terme de leur course, et, quelque chose s’étant d’ailleurs brisé à la voiture, elles durent passer la nuit dans une méchante auberge, où elles s’arrangèrent de leur mieux.