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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/534

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lut pas rester en arrière ; elle étendait la main, afin que la lumière de la lampe pût l’éclairer ; les feux follets fermaient la marche, rapprochant les pointes de leurs flammes, et paraissant causer ensemble.

Ils n’avaient pas marché longtemps, que le cortége se trouva devant une grande porte d’airain, dont les battants étaient fermés avec une serrure d’or. Le vieillard appela les feux follets, qui ne se firent pas presser longtemps, et se mirent vivement à consumer de leurs flammes les plus aiguës la serrure et les» verrous.

Le bronze retentit, lorsque soudain les portes s’ouvrirent avec fracas, et que les nobles images des rois apparurent dans le sanctuaire, éclairées par les lumières qui survenaient. Chacun s’inclina devant les vénérables monarques ; les feux follets surtout n’épargnèrent pas les burlesques révérences. Après une pause :

« D’où venez-vous ? dit le roi d’or.

— Du monde, dit le vieillard.

— Où allez-vous ? demanda le roi d’argent.

— Dans le monde.

— Que venez-vous faire ici ? demanda le roi de bronze.

— Vous accompagner, » dit le vieillard.

Le roi mélangé allait prendre la parole, quand le roi d’or dit aux feux follets, qui s’étaient approchés trop près de lui :

« Éloignez-vous de moi ! mon or n’est pas pour votre bouche. »

Ils se tournèrent vers le roi d’argent et s’inclinèrent devant lui ; sa robe brillait agréablement de leur reflet doré.

« Soyez les bienvenus, dit-il, mais je ne puis vous nourrir : prenez ailleurs votre pâture et apportez-moi votre lumière. »

Ils s’éloignèrent, et, passant devant le roi de bronze, qui ne sembla pas les remarquer, ils se glissèrent vers le roi mélangé.

« Qui régnera sur le monde ? cria-t-il d’une voix saccadée.

— Celui qui se tiendra sur ses pieds, répondit le vieillard.

— C’est moi ! dit le roi mélangé.

— On verra, dit le vieillard, car le temps est venu. »

Le Beau lis se jeta au cou du vieillard, et l’embrassa avec la plus vive tendresse.