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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/539

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une trace de sa première figure, entourait de ses jeunes bras ranimés l’homme à la lampe, qui recevait ses caresses avec amitié.

« Si je suis trop vieux pour toi, dit-il en souriant, tu peux te choisir aujourd’hui un autre mari. Dès ce jour aucun mariage n’est valable, s’il n’est pas conclu de nouveau.

— Ne sais-tu donc pas, lui dit-elle, que tu es aussi rajeuni ?

— Je suis charmé de paraître à tes jeunes regards un vaillant jeune homme. Je reçois de nouveau ta main, et je vivrai volontiers avec toi jusqu’au prochain millénaire. »

La reine souhaita la bienvenue à sa nouvelle amie, et descendit, avec ses autres compagnes, dans l’autel, tandis que le roi, avec les deux hommes, regardait du côté du pont et considérait avec attention le mouvement de la foule.

Mais sa joie ne fut pas de longue durée, car il vit un objet qui lui causa un moment de chagrin. Le grand géant, qui semblait n’être pas encore bien éveillé, chancelait sur le pont, et il y causait un grand désordre. Il s’était levé fort assoupi, comme à l’ordinaire, et avait voulu se baigner dans l’anse accoutumée. Il avait trouvé, à la place, la terre ferme, et il s’était avancé en tâtonnant sur le large pavé du pont. Lît, quoiqu’il marchât trèslourdement au milieu des hommes et du bétail, sa présence, qui étonnait tout le monde, n’était cependant sentie de personne. Mais lorsque le soleil lui donna dans les yeux, et qu’il éleva les mains pour s’en préserver, l’ombre de ses poings énormes passa et repassa derrière lui si brusquement, si maladroitement, parmi la foule, que les gens et les bêtes étaient renversés en grandes troupes, blessés, et couraient le risque d’être précipités dans le fleuve.

Le roi, à la vue de ce désordre, porta par un mouvement involontaire la main sur son épée, et aussitôt il réfléchit, regarda tranquillement d’abord son sceptre, puis la lampe et la rame de ses compagnons.

« Je devine ta pensée, dit le maître de la lampe ; mais nous et nos forces nous sommes sans puissance contre cet impuissant. Sois tranquille : il fait du mal pour la dernière fois. Heureusement son ombre ne tombe pas de notre côté. »

Cependant le géant s’était approché toujours davantage. En