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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/556

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faisons, venir au secours de notre ami, l’éditeur, qui désire pour ces gravures une explication telle que la demandent l’usage et le goût du public !

ARMIDORE, sortant du cabinet voisin.

À ce que j’entends, la société s’occupe encore de ces dessins, qu’elle condamne : s’ils étaient agréables, on les aurait, je gage, mis de côté depuis longtemps.

AMÉLIE.

Je suis d’avis qu’on le fasse sur-le-champ et pour toujours. Il faut inviter l’éditeur à n’en faire aucun usage. Une douzaine, et plus, de femmes haïssables et laides, dans un almanach de dames ! Cet homme ne comprend-il pas qu’il va ruiner toute son entreprise ? Quel amant oserait offrir à sa belle, quel mari à sa femme, et même quel père à sa fille, un pareil almanach, qu’elles ne pourront ouvrir sans voir, avec dégoût, ce qu’elles ne sont pas, ce qu’elles ne doivent pas être ?

ARMIDORE.

Pour tout concilier, je ferai une proposition : ces représentations d’objets repoussants ne sont pas les premières que nous trouvons dans d’élégants almanachs ; notre excellent Chodowiecki [1] a déjà représenté, avec talent, maintes scènes bizarres, licencieuses, barbares, absurdes, dans de petits almanachs : mais qu’a-t-il fait ? À l’objet odieux, il opposait d’abord l’objet aimable, les tableaux d’une nature saine, doucement épanouie, d’une sage culture, d’une fidèle persévérance, d’une intime aspiration vers le mérite et la beauté. Faisons plus que l’éditeur ne désire, faisons le contraire. Si, cette fois, l’artiste a choisi le côte sombre, que celui, ou plutôt, si j’ose exprimer mon souhait, que celle qui prendra la plume s’attache au côté lumineux, et, de la sorte, nous aurons un tout. Je ne veux pas tarder davantage, Eulalie, à déclarer ce que je désire et ce que je vous propose. Entreprenez la peinture des bonnes femmes ! Opposez à ces gravures des contrastes, et consacrez la magie de

  1. Peintre et graveur célèbre, né à Dantzig en 1726, mort en 1801. On l’a surnommé le Hogarth de l’Allemagne. Il a enrichi d’estampes les ouvrages de Klopstock, de Gessner, de Basedow, de Lessing, de Lavater. Les gravures spirituelles qu’il fit pour l’Almanach de l’académie de Berlin commencèrent sa réputation.