Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/564

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l’écartât par sa conduite ; mais, en tant que nous avons aussi un droit à l’autorité, je n’aimerais pas à voir qu’il subît quelque atteinte. Si nous cherchons à dominer, c’est seulement comme créatures humaines : qu’est-ce en effet que dominer, dans le sens que nous donnons ici à ce mot, sinon déployer son activité à sa manière et sans obstacle, et jouir de son être autant qu’il est possible ? C’est là ce que l’homme grossier demande avec caprice, l’homme civilisé, avec une liberté loyale ; et peut-être cette tendance se montre-t-elle chez la femme avec plus de vivacité, uniquement parce que la nature, la tradition, les lois, semblent nous léser autant qu’elles favorisent les hommes. Ce qu’ils possèdent, il nous faut le conquérir, et les choses que l’on obtient par une lutte, on les garde avec plus d’opiniâtreté que celles dont on hérite.

SEYTON.

Cependant les femmes ne peuvent plus se plaindre : elles héritent, dans le monde actuel, autant et plus même que les hommes ; et je soutiens qu’il est aujourd’hui beaucoup plus difficile d’être un homme accompli qu’une femme accomplie. La maxime : « Il sera ton seigneur, » est la formule d’un temps barbare, bien éloigné de nous. Les hommes ne pouvaient se développer complètement sans accorder aux femmes les mêmes droits : tandis que les femmes se développaient, la balance restait en équilibre, et, comme elles sont plus susceptibles de développement, dans la pratique, la balance incline en leur faveur.

ARMIDORE.

Il n’est pas douteux que, chez toutes les nations civilisées, les femmes doivent, en somme, arriver à la prépondérance. Car, par une influence réciproque, l’homme doit s’efféminer, et il perd, attendu que son avantage ne consiste pas dans une force modérée, mais dans une force domptée ; si, au contraire, la femme emprunte quelque chose de l’homme, elle gagne ; car, si elle peut relever ses autres avantages par l’énergie, il en résulte une nature aussi parfaite qu’on puisse l’imaginer.

SEYTON.

Je ne me suis pas engagé dans des réflexions si profondes ; cependant j’admets, comme chose reconnue, qu’une femme commande et doit commander : aussi, quand je fais la connais-