Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/587

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nance, dit, en restant devant le prince à une distance respectueuse :

« Ce n’est pas le moment de gémir. Hélas ! mon seigneur et puissant chasseur, le lion est aussi échappé ; il s’est aussi dirigé de ce coté dans la montagne : épargnez-le ! pitié ! qu’il ne périsse pas comme ce pauvre animal !

— Le lion, dit le prince, en sais-tu la trace ?

— Oui, monseigneur. Là-bas un paysan, qui, sans nécessité, s’était sauvé sur un arbre, m’a indiqué la gauche, plus loin, dans la montagne : alors j’ai vu devant moi cette grande troupe d’hommes et de chevaux ; la curiosité et le besoin de secours m’ont fait accourir.

— Eh bien, dit le prince, il faut que la chasse se porte de ce côté. Chargez vos armes, soyez circonspects : ce serait un malheur de le pousser au fond du bois. Mais enfin, brave homme, nous ne pourrons pas épargner votre lion. Comment avez-vous été assez imprudent pour laisser échapper vos bêtes ?

— Monseigneur, quand nous avons vu l’incendie éclater, nous sommes restés tranquilles et dans l’attente ; il se propageait rapidement, mais loin de nous : nous avions assez d’eau pour nous préserver ; tout à coup il se fit une explosion, qui lança des brandons jusqu’à nous et au delà : nous avons perdu la tête, et nous voilà dans la misère. »

Le prince était encore occupé à donner des ordres : soudain tout sembla suspendu un moment, lorsqu’on vit descendre et accourir précipitamment du vieux château un homme, que l’on reconnut pour le serviteur qui gardait le logement du peintre, y faisait sa demeure et surveillait les ouvriers. Il arriva hors d’haleine, mais il eut bientôt fait connaître, en peu de mots, que le lion s’était couché là-haut au soleil, derrière la haute muraille d’enceinte, au pied d’un hêtre séculaire, et qu’il se tenait tout à fait tranquille. L’homme finit par dire avec chagrin :

« Quel dommage d’avoir porté hier ma carabine à la ville, pour la faire nettoyer ! Il ne se serait pas relevé : la peau m’aurait appartenu, et, comme de juste, je m’en serais pavané toute ma vie. »

Le prince, que servait fort bien dans cette occasion son expé-