Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/69

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d’autres encore, dans lesquelles il se peint lui-même, inscrites dans les champs, au-dessus des portes, comme nous voyons ici, par exemple :

On Arrive Au Beau Par L’utile Et Le Vrai.

Les dames avaient déjà fait sous les tilleuls les apprêts du déjeuner. Félix faisait l’espiègle autour d’elles, et, par ses folies et ses témérités, il tâchait de fixer l’attention, de s’attirer une réprimande, une remontrance, d’Hersilie. Les deux sœurs cherchèrent à gagner par leur franchise et leur bienveillance la confiance de leur hôte silencieux, qui était fort à leur gré ; elles parlèrent d’un cousin, homme de mérite, absent depuis trois années, et qui devait arriver incessamment ; d’une digne tante, qui demeurait, près de là, dans son château, et qu’on regardait comme l’ange gardien de la famille. Elles la représentèrent le corps affaibli par la maladie, l’esprit florissant de jeunesse ; on eût dit une sibylle antique, devenue invisible, dont la voix prononçait, avec une parfaite simplicité, des paroles divines sur les choses humaines.

Wilhelm dirigea l’entretien et ses questions sur les objets présents. Il désirait apprendre à connaître plus particulièrement le noble maître dans son activité originale ; il songeait au chemin du beau à travers l’utile et le vrai, et il s’efforça d’expliquer ces mots à sa manière, ce qui lui réussit parfaitement et lui valut l’approbation de Juliette.

Hersilie, qui était restée silencieuse, répliqua en souriant :

« Les femmes sont dans une singulière situation. Nous entendons sans cesse répéter les maximes des hommes ; il nous faut même les voir écrites en lettres d’or au-dessus de nos têtes, et cependant, nous autres jeunes filles, nous pourrions aussi dire en nous-mêmes le contraire, qui serait juste également, comme c’est ici le cas. La belle- trouve des adorateurs, puis des prétendants et enfin même un mari ; alors elle arrive au vrai, qui n’est pas toujours très-réjouissant, et, si elle est sage, elle se voue à l’utile, soigne sa maison et ses enfants et s’en tient là. C’est du moins ce que j’ai vu souvent. Les jeunes filles ont le temps d’observer, et, le plus souvent, elles trouvent ce qu’elles ne cherchaient pas. »