Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/109

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camarades entra pendant la leçon, et sur-le-champ s’ouvrirent tous les tuyaux du jet d’eau humoristique : les notes et les doigts étaient devenus les plus singuliers marmousets. Mon jeune ami ne cessait de rire, charmé que l’on put tant apprendre d’une si joyeuse façon. Il jura de ne laisser à ses parents aucun repos qu’ils ne lui eussent donné un si excellent maître.

C’est ainsi que, selon les principes d’une nouvelle méthode d’éducation, j’étais initié à deux arts d’assez bonne heure, et cela à toute bonne fin, sans qu’on fût persuadé qu’un talent naturel pût m’y faire obtenir quelques succès. Tout le monde, devait apprendre à dessiner, assurait mon père : aussi avait-il une vénération particulière pour l’empereur Maximilien, qui en avait, disait-on, donné l’ordre formel. C’est pourquoi il me poussa plus sérieusement au dessin qu’à la musique, qu’en revanche il recommandait particulièrement à ma sœur, l’obligeant de passer, hors des heures de leçons, assez de temps au clavecin.

Plus on excitait de la sorte mon activité, plus je voulais agir, et mes heures de récréation étaient elles-mêmes consacrées à toute sorte d’occupations singulières. Dès ma plus tendre enfance, j’avais aimé à étudier les œuvres de la nature. On explique parfois comme une disposition à la cruauté, que les enfants, après avoir joué un certain temps avec des objets de ce genre, après les avoir maniés de toute façon, finissent par les dépecer, les déchirer et les déchiqueter : mais d’ordinaire la curiosité, le désir d’apprendre comment ces choses sont construites, quelle est leur apparence au dedans, se révèlent aussi de cette manière. Je me souviens que, dans mon enfance, j’ai effeuillé des fleurs, pour voir comment les pétales étaient engagés dans le calice ; ou même plumé des oiseaux, pour observer comment les plumes étaient implantées dans les ailes. Il ne faut pas le trouver mauvais chez les enfants, puisque les naturalistes eux-mêmes croient s’instruire par la séparation et la décomposition plus souvent que par la réunion et l’enchaînement, en mettant à mort plus qu’en donnant la vie.

Un aimant armé, très-joliment cousu dans un morceau d’écarlate, éprouva un jour l’effet d’une pareille curiosité. Cette mystérieuse force d’attraction, qui, non-seulement s’exerçait sur le