Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/12

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les demandes qu’on nous adresse, c’est, dans l’âge avancé, une chose infiniment heureuse pour nous, qu’en nous témoignant quelque intérêt, on veuille bien nous stimuler et nous décider amicalement à déployer une activité nouvelle. J’entrepris donc sur-le-champ le travail préalable de noter et de classer, selon les années, les grands et les petits poèmes de mes douze volumes. Je cherchai à me rappeler les temps et les circonstances qui les avaient fait naître. Mais la chose me fut bientôt plus difficile, parce que des notices et des explications détaillées devenaient nécessaires pour combler les lacunes dans ce qui était déjà publié ; car, d’abord, tous mes premiers essais me manquent, ainsi que bien des choses commencées et inachevées, et même la forme de plusieurs ouvrages achevés a complètement disparu, parce que je les ai entièrement remaniés et refondus dans la suite. En outre, j’avais encore à mentionner mes travaux dans les sciences et les autres arts, et ce que j’avais fait en particulier ou ce que j’avais publié, soit à moi seul, soit en société avec des amis, dans ces branches d’études en apparence étrangères.

Tous ces détails, je désirais les intercaler peu à peu, pour la satisfaction de mes bienveillants instigateurs ; mais ces efforts et ces méditations m’entraînaient toujours plus loin. En effet, comme je désirais satisfaire leur demande très-bien pesée, et que je m’efforçais d’exposer avec ordre les impulsions intérieures, les influences extérieures, les degrés que j’avais franchis dans la théorie et la pratique, je fus poussé, hors du cercle étroit de ma vie privée, dans le vaste monde ; les figures de cent personnages marquants, qui avaient exercé sur moi une action plus ou moins prochaine ou éloignée, se présentèrent devant mes yeux ; enfin, les immenses mouvements de la politique générale, qui ont eu sur moi, comme sur tous mes contemporains, la plus grande influence, appelaient mon attention d’une façon toute particulière ; car la tâche principale de la biographie est, semble-t-il, de décrire et de montrer l’homme dans ses relations avec l’époque, jusqu’à quel point l’ensemble le contrarie ou le favorise, quelles idées il se forme, en conséquence, sur le monde et l’humanité, et, s’il est artiste, poëte, écrivain, comment il les réfléchit. Mais cela exige une chose presque im-