Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/25

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par la présence de l’impératrice Marie-Thérèse, dont la beauté paraît avoir produit une aussi vive impression sur les hommes que la noble et belle taille et les yeux bleus de Charles VII sur les femmes. Les deux sexes s’efforçaient du moins à l’envi de donner à l’enfant, qui était tout oreilles, une idée extrêmement avantageuse de ces deux personnes. On faisait toutes ces descriptions et ces récits d’un cœur joyeux et tranquille, car la paix d’Aix-la-Chapelle avait mis fin pour le moment à toute querelle ; et, comme de ces solennités, on parlait tranquillement des guerres passées, de la bataille de Dettingen et des événements les plus mémorables des années qui venaient de s’écouler ; tout ce qui s’était passé de grave et de dangereux semblait, comme c’est l’ordinaire après une paix conclue, n’être arrivé que pour servir d’entretien à des gens heureux et tranquilles.

À peine avait-on vécu six mois dans ces préoccupations patriotiques, que revinrent les foires, qui excitaient toujours dans les esprits enfantins une incroyable fermentation. Une ville nouvelle, qui surgissait dans l’autre en peu de temps par la construction d’innombrables boutiques, l’agitation et la presse, le déchargement et le déballage des marchandises, éveillèrent chez l’enfant, dès qu’il put se connaître, une vive et indomptable curiosité, ainsi qu’un désir illimité de possession, qu’avec le progrès des années, le petit garçon cherchait à satisfaire, tantôt d’une façon, tantôt d’une autre, selon que l’état de sa petite bourse le permettait. Mais en même temps il se formait l’idée de tout ce que le monde produit, de ses besoins et des échanges que font entre eux les habitants de ses diverses contrées.

Ces grandes époques, qui revenaient au printemps et en automne, étaient annoncées par de singulières solennités, qui paraissaient d’autant plus respectables qu’elles offraient une vive image des anciens temps et de ce qui en était parvenu jusqu’à nous. Le jour du convoi, tout le peuple était sur pied ; il se rendait en foule à la Fahrgasse, au pont et jusqu’au delà de Sachsenhausen ; toutes les fenêtres étaient occupées, sans qu’il se passât de tout le jour quelque chose de particulier ; la foule semblait n’être là que pour se presser et les spectateurs pour se regarder les uns les autres : car le grand événement ne se pas-