Aller au contenu

Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

président et les assesseurs avec leurs singulières perruques ; et que, par ces bouffonneries, j’avais distrait et fait rire mes voisins. Depuis la mort de sa femme, il vivait plus retiré encore qu’auparavant, et je finis par l’éviter pour échapper à ses reproches. Ce fut surtout un malheur que Gellert ne voulût pas se servir de l’autorité qu’il aurait pu exercer sur nous. Assurément, il n’avait pas le temps de faire le confesseur et de s’enquérir des sentiments et des défauts de chacun : aussi ne s’occupait-il de l’affaire qu’en gros, et il croyait pouvoir nous dompter au moyen des institutions ecclésiastiques. C’est pourquoi, lorsqu’il venait à nous appeler devant lui, baissant la tête et d’une voix doucement attendrie, il avait coutume de nous demander si nous allions régulièrement à l’église, qui était notre confesseur, et si nous avions communié. Si nous soutenions mal cet examen, il nous congédiait avec des lamentations ; nous étions plus fichés qu’édifiés, mais nous ne pouvions nous empêcher de l’aimer de tout notre cœur.

À cette occasion, je dois revenir sur quelques souvenirs d’enfance, pour démontrer que les grandes affaires de la religion extérieure doivent se traiter avec suite et enchaînement, si l’on veut qu’elles produisent les fruits qu’on espère. Le culte protestant a trop peu d’ampleur et de liaison pour tenir en un seul corps la communauté. De là il arrive aisément que des membres s’en séparent et forment de petites communautés, ou, sans lien ecclésiastique, mènent paisiblement leur vie civile les uns à côté des autres. Aussi se plaignait-on dès longtemps que le service divin était d’année en année moins suivi, et que le nombre des communiants diminuait dans la même proportion. De l’un et l’autre fait, surtout du dernier, la cause est palpable, mais qui osera la dire ? Nous voulons l’essayer.

Dans l’ordre moral et religieux, comme dans l’ordre matériel et civil, l’homme n’aime pas à faire les choses brusquement ; il a besoin d’une suite, d’où résulte la coutume. Ce qu’il doit aimer et pratiquer, il ne peut se le figurer isolé, interrompu, et, pour qu’il répète une chose volontiers, il faut qu’elle ne lui soit pas devenue étrangère. Si le culte protestant manque d’ampleur dans l’ensemble, qu’on l’examine en détail, et l’on trouvera que le réformé a trop peu de sacrements, ou