Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

j’approchai des singulières armoires grillées dans lesquelles nos ecclésiastiques avaient coutume de se rendre pour cette cérémonie ; quand le marguillier m’ouvrit la porte, et que je me vis enfermé dans l’étroit espace, vis-à-vis de mon vieux père spirituel ; que, de sa voix faible et nasillarde, il me souhaita le bonjour, toute lumière disparut soudain de mon esprit et de mon cœur ; ma confession, que j’avais bien apprise par cœur expira sur mes lèvres ; dans mon embarras, j’ouvris le livre que j’avais à la main, et j’y lus une courte formule, la première venue, et qui était si générale, que chacun aurait pu la prononcer avec une tranquillité parfaite. Je reçus l’absolution et je m’éloignai fort tiède. Le lendemain, je me rendis avec mes parents à la labié du Seigneur, et je me comportai pendant deux ou trois jours comme il convenait après une action si sainte.

Bientôt cependant j’eus ma part des souffrances que notre religion, compliquée par des dogmes divers, basés sur des passages de la Bible qui admettent diverses interprétations, fait éprouver aux hommes scrupuleux, au point d’amener des dispositions hypocondres et de les porter jusqu’à leur dernier terme, jusqu’aux idées fixes. J’ai connu plusieurs personnes, qui, avec un caractère et une conduite tout à fait raisonnables, ne pouvaient se défaire de la pensée du péché contre le Saint-Esprit et de la crainte de l’avoir commis. Je fus menacé d’un mal semblable au sujet de la cène. La maxime que celui qui y participe indignement mange et boit sa condamnation avait fait sur moi de très-bonne heure une impression terrible. Tout ce que j’avais lu d’affreux dans les récits du moyen âge sur les jugements de Dieu, les étranges épreuves par le fer brûlant, le feu flamboyant, l’eau bouillante, même ce que la Bible nous raconte de la source, salutaire pour l’innocence, qui gonfle et fait éclater le coupable, tout cela se présentait à mon imagination et se réunissait à ce qu’il y a de plus horrible au monde : car l’adhésion menteuse, l’hypocrisie, le parjure, le sacrilège, tout, dans l’acte le plus saint, semblait peser sur l’indigne, ce qui était d’autant plus effrayant que personne n’osait se déclarer digne et que le pardon des péchés, qui devait tout aplanir à la fin, était soumis à tant de conditions, qu’on n’était pas